Diabète et méchant

Tout espérer, ne rien attendre.

Le diabétique de type 1 et ses (petits) congénères

« Deviens celui que tu es! »

Juliette a déjà abordé ici (https://diabeteetmechant.org/2018/07/02/faut-peur-de-faire-enfants/) la question délicate de la parentalité lorsque l’on est diabétique de type 1, et notamment de la crainte plus ou moins rationnelle que certains d’entre nous – moi la première – peuvent avoir de transmettre la maladie à leurs enfants, en même temps que quelques névroses familiales et une planète toute pourrie en sus (cadeau !). La réaction assez saine qu’il me semble apercevoir derrière cette angoisse est qu’elle traduit le fait que, spontanément, on ne souhaiterait à personne de déclencher un DT1, même si, de son côté, on peut être relativement satisfait de son existence avec cette maladie : c’est bien tout le mal que je vous souhaite.

D’autre part pourtant, on lit régulièrement des témoignages de patients (DT1 ou non), dans lesquels s’exprime une sorte de gratitude à l’égard de la maladie et qui revient souvent à quelque chose comme : « En fait, après réflexion, merci à la maladie parce qu’elle a fait de moi ce que je suis. » Si on adhère sincèrement à ce type de discours, transmettre le DT1 à son enfant pourrait paradoxalement s’apparenter à une sorte de cadeau. Certains naissent ainsi avec une cuiller en argent dans la bouche, d’autres avec une seringue en plastique dans la fesse, et bien malin celui qui devinera lequel des deux aura finalement été le plus favorisé par le sort…

Évidemment, ce type de conclusion est absurde, ou du moins furieusement contre-intuitive. Mais le sens même d’une phrase comme celle-ci (« Merci à la maladie d’avoir fait de moi ce que je suis ») me laisse perplexe.
Une première chose qui m’intrigue est le fait que l’on puisse se féliciter d’être ce que l’on est. Je comprends que ce puisse être extrêmement agréable pour ceux qui y parviennent. Comme un comédien qui se voit couronné d’un Oscar, on doit effectivement se sentir débordé d’une joie sincère et de larmes de gratitude pour tous ceux et toutes celles qui ont rendu cette chose admirable possible. Merci donc au réalisateur, au metteur en scène, aux techniciens, aux assistants, et ici, à la maladie, à mon pancréas défaillant, à la pollution environnementale, à un virus opportuniste encore non-identifié, à mon système immunitaire surpuissant, et surtout à ces anticorps opiniâtres qui n’ont ménagé ni leurs forces ni leur temps pour traquer et annihiler mes cellules bêta. Sérieusement les gars, merci. Sans vous, vraiment, je n’y serais jamais arrivée, à devenir ce que je suis.

Niezscht… Neicht… Niezts… Nietzsche qui l’a dit (ou Pindare)

« Deviens ce que tu es! » C’est NiezschtNeichtNiezts…Nietzsche qui l’a dit (ou Pindare).

Soit cette formule, telle qu’on l’utilise dans le langage ordinaire, est tout simplement d’une trivialité accablante (grâce à ce que je suis, je suis devenu ce que je suis !), soit elle traduit une forme d’autosatisfaction naïve et suspecte : grâce à la maladie, je suis devenu ce que je suis, c’est-à-dire implicitement, quelqu’un de bien, en tout cas de meilleur que ce que je serais devenu autrement. D’où l’idée que la maladie serait une opportunité et une chance, celle de devenir un meilleur être humain. Évidemment, nous n’avons aucune preuve que ce soit effectivement le cas, puisque justement, nous ne saurons jamais ce que nous serions devenus sans la maladie.
Peut-être que l’expérience de la maladie « forge le caractère », rend plus altruiste, fait de nous des êtres plus moraux, plus courageux, plus déterminés…mais elle peut aussi rendre, et d’une manière qui me semble nettement moins mystérieuse, plus frustré, plus en colère, plus abattu, plus égoïste, plus anxieux, plus contrôlant, ou plus envieux. J’avoue que j’ai du mal à voir par quel miracle psychologique ou spirituel l’expérience de la maladie pourrait subitement transformer un sombre crétin malfaisant en autre chose qu’un sombre crétin malfaisant…malade.

Il est cependant parfaitement légitime de chercher, d’une manière ou d’une autre, à se rendre la vie supportable ou un peu plus agréable à l’aide de ce type d’opérations mentales. Je suis simplement irritée par le fait qu’il nous soit socialement imposé de le faire, et encore, selon certaines modalités bien spécifiques : l’autopromotion de soi, la performance physique, et la psychologie positive, qui consiste essentiellement à essayer de se convaincre et de convaincre les autres que décidément, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, alors surtout ne changeons rien.

Pensées secrètes

Quelle que soit la qualité de sa relation avec son diabète donc, il me semble qu’aucun d’entre nous ne souhaiterait spontanément à un autre d’avoir cette maladie, même si cela devait lui permettre de devenir ce qu’il est.
Non, vraiment, on ne le souhaite à personne.
Surtout pas aux gens qu’on aime.
Et encore moins aux enfants.
(Même si on ne n’aime pas particulièrement les enfants, ce qui est plutôt mon cas.)

Bon, pour être tout à fait honnête (car la maladie nous rend honnête, n’est-ce pas ?), il faudrait reconnaître qu’il m’est déjà arrivé d’espérer férocement que quelques personnes bien précises se réveillent un beau matin avec cet inconnu dans leur lit:

– « Mais…mais…mais…qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous faîtes là ?
– [voix chaude et suave] Du calme bébé. Moi c’est Maurice. Dès que j’ai vu ton profil génétique et métabolique sur Tinder, j’ai su qu’on était faits l’un pour l’autre. Maintenant sois un amour et va me faire un café. Sans sucre. Ou bien n’oublie pas de le compter au moment d’administrer ton bolus. »

Maurice

Maurice, un ami pour la vie

Après une consultation difficile par exemple – vous savez, celles dont on sort réduit à un petit tas de cendres fumantes et plein d’un courage et d’une détermination de serpillère mal essorée – oui, je l’avoue votre Honneur : j’ai parfois invoqué secrètement les dieux et toutes les puissances organisatrices de l’univers, pour que certains professionnels de santé et quelques autres se sentant habilités à juger ce que je fais, à m’expliquer ce que je devrais faire ou, ce qui revient à peu près au même, ce qu’ils feraient s’ils étaient à ma place,  s’y retrouvent effectivement, à ma place.

« Je voudrais bien vous y voir »: je pense qu’il n’y a pas un patient qui n’ait ravalé sa colère et sa frustration en pensant ces mots.

Je rêve parfois à des expériences de simulation ou de réalité virtuelle qui permettraient à ces personnes motivées par les plus beaux sentiments de goûter à leur propre médecine, et de passer effectivement de la théorie à la pratique. Pas juste pour 24h, ni même une semaine. Il me semble qu’il faut un minimum de trois mois, renouvelables au besoin, car cela prend du temps pour bien faire le tour des 50 nuances de Maurice et commencer à saisir ce que les mots «maladie chronique », « incurable » et « vivre avec » signifient concrètement.
Depuis la salle de contrôle de mon laboratoire secret enfoui sous le désert de l’Arizona – parce que je ne vois pas bien où on peut construire des laboratoires secrets sinon – je les observerais. Je voulais les y voir?  Eh bien je les y verrais. Ensuite, on pourra rediscuter ensemble de cette maladie « qui n’empêche absolument pas de vivre une vie normale », et notamment de la mesure dans laquelle leur vie, dans ces nouvelles circonstances, leur paraît tout à fait normale.

Et comment diable pourrait-on m’en vouloir, puisque grâce à moi, ils seront devenus ce qu’ils sont ?

Cependant, rassurez-vous : les accès de rage et la soif de vengeance que je viens de décrire ne durent jamais et ne trouvent de satisfaction que dans les recoins honteux de mon imagination (quand je vous dis que la maladie a fait de moi l’être le plus exquis de la création). D’abord, il faut bien reconnaître que jusque qu’à présent, les puissances organisatrices de l’univers mentionnées plus haut sont toujours restées sourdes à mes prières. D’autre part, à nouveau, je pense qu’on ne souhaite réellement à personne de tomber malade pour de vrai. Même que si c’était possible, on aimerait  pouvoir faire quelque chose pour empêcher que cela arrive.

Or pour l’instant, force est de constater que cela arrive effectivement, et de plus en plus.  D’après le très sérieux Type 1 Diabetes de David Levy (Oxford University Press, 2016), l’incidence du DT1 augmenterait en moyenne de 3% par an dans le monde. 3% d’augmentation annuelle, c’est peut-être moins que celle du tarif du ticket de métro ou du prix de l’essence.
Mais comme personnes atteintes par cette maladie, nous savons ce qu’elle représente et les impacts qu’elle peut avoir sur une vie, sur une vraie personne et son entourage. Même dans un contexte très privilégié – en France et de là où j’écris, au Canada – où les soins et moyens de prise en charge sont accessibles, cette maladie bouleverse des vies et il paraît impossible d’y demeurer complètement indifférent.

Les enfants d’abord

Sans doute avez-vous déjà fait cette expérience : quelqu’un, qui vous est plus ou moins proche, vous apprend qu’un enfant de son entourage – son fils, sa nièce, sa petite sœur, peu importe – vient de recevoir un diagnostic de diabète de type 1. Peut-être que si j’avais vraiment « accepté » la maladie et développé cette nouvelle vertu tellement tendance mais dont je ne comprends toujours pas en quoi elle consiste – « la résilience » – alors peut-être que dans ces circonstances je m’enthousiasmerais:
– « Un diabète de type 1 vous dîtes ? Quelle excellente nouvelle ! Toutes mes félicitations, c’est merveilleux ! Cet enfant va devenir ce qu’il sera, ce qui est une bonne chose, parce qu’il n’est rien de plus terrible dans la vie que de devenir quelqu’un qu’on n’est pas. Imaginez un peu, si Sherlock Holmes était devenu Moriarty! si le capitaine Haddock était devenu la Castafiore! si Dupond était devenu Dupont ! La face de leur moustache en eut été changée. »

J'ai un trouble de l'identité personnelle. - Je dirais même plus: j'ai un trouble de l'identité personnelle.

J’ai un trouble de l’identité personnelle.
– Je dirais même plus: j’ai un trouble de l’identité personnelle.

Personnellement, il me faut bien plutôt mobiliser des ressources considérables de maîtrise de moi-même pour dissimuler combien je suis intérieurement catastrophée en apprenant une chose pareille. Assez souvent, j’ai l’impression que ceux qui me l’annoncent en parlent de manière étonnamment dégagée, avec détachement. Mais peut-être sont-ils aussi catastrophés que moi, et nous bataillons ferme pour n’en rien laisser transparaître l’un devant l’autre. Peut-être que l’un est sous le choc du diagnostic et dans l’angoisse de ce qui va arriver, à court, moyen et long terme à cet enfant, alors que l’autre, pour sa part, ressent un moment d’accablement, parce qu’il a précisément une idée assez précise de ce qui va arriver, à court, moyen et long terme.
Il se dit qu’il se trompe peut-être, cependant. Il cherche des paroles réconfortantes et rassurantes, mais elles sont difficiles à trouver. Il y a toujours l’avancée des recherches et de la technologie. Peut-être que ce nouveau patient pourra bénéficier d’une de ces fameuses greffes d’îlots pancréatiques ou autre thérapie de reprogrammation génétique dont on entend régulièrement parler depuis des années, mais dont il a pour sa part fini par comprendre qu’il sera mort avant que celles-ci ne guérissent durablement autre chose que des souris de laboratoire. Au moins aura-t-il cependant réussi à survivre bien plus longtemps, et dans de bien meilleures conditions que les congénères qui l’ont précédé, avant 1922 et les premières synthèses et purifications de l’insuline.

Dans un registre un peu moins mélodramatique, car Dieu sait combien la maladie est une occasion de franche rigolade (un autre de ses nombreux bénéfices secondaires), on peut donc noter que le patient diabétique de type 1 développe souvent un sentiment plus ou moins confus de solidarité et de compassion à l’égard de ses compagnons d’infortune, proches ou lointains, a fortiori quand ce sont des petits bleus qui débutent tout juste dans la carrière et en sont encore à apprendre à « parler diabète » correctement. À ce sujet, je vous recommande le beau documentaire de Vanessa Gauthier: Pour quelques barres de chocolat.

(https://www.filmsdocumentaires.com/films/5376-pour-quelques-barres-de-chocolat).

Mais ce n’est pas tout : une auto-enquête ethnographique à la méthodologie irréprochable (portant sur un seul individu et n’impliquant aucune dimension critique) me permet ici d’affirmer avec une inébranlable certitude que le diabétique de type 1, qu’il le veuille ou non, passe une partie non négligeable de son temps à servir la santé publique en se livrant à une forme de dépistage systématique auprès de virtuellement toutes les personnes qu’il rencontre : famille, amis, collègues et toute leur progéniture.
Personnellement, même le sort des animaux de compagnie m’interpelle (ton chat se met à boire et à pisser sans fin ? il mange comme quatre et maigrit pourtant à vue d’œil ? Il n’en faut pas plus pour que je me sente sommée d’intervenir dans les plus brefs délais).

Je m’interroge sur l’origine et la nature de cette sorte d’impératif moral en vertu duquel, quand on est DT1, on se sent un devoir de solidarité avec les autres DT1, un devoir de sensibilisation et d’information à l’égard de ceux qui ignorent tout ou presque de cette maladie, et enfin une sorte de devoir de prévention face à une maladie qu’on ne peut justement pas vraiment prévenir.
Car dans les faits, la plupart d’entre nous répond poliment quand on nous pose des questions sur la maladie, quand quelqu’un s’étonne de ce truc collé derrière notre bras, du « vieux téléphone » accrochée à notre ceinture, ou encore de ce dispositif caché aux regards mais pas à l’ouïe, et qui se met à vibrer puis à sonner furieusement dans les circonstances les plus inappropriés (au choix: messe de requiem, accession au sommet du Mont-Blanc, commémoration de génocide, soirée libertine chez Dodo-la-Saumure, et j’en passe).

Quant à cette activité de dépistage sauvage du DT1, elle est non seulement assez inutile sur le fond (au mieux pourra-t-on éviter à l’intéressé l’acidocétose inaugurale, mais tout ceci se finira de toute manière à l’hôpital pour le diagnostic définitif et la mise en place des traitements), mais elle expose aussi celui ou celle qui la mène à diagnostiquer des « faux positifs », avec les conséquences et les angoisses infondées que cela peut impliquer.

Pistage et dépistage

Toutes ces réflexions me viennent a posteriori, depuis que j’ai pris conscience que de manière tout à fait involontaire, mon système cognitif et perceptuel passe très souvent en mode « screening », prêt à repérer tout comportement ou « pattern » caractéristiques et évocateurs de diabète de type 1 chez mes congénères. Autrement dit, je me transforme instinctivement en petit cochon truffier pour diabétiques ou futurs diabétiques.

Un diabétique de type 1 en pleine activité de dépistage (1928).

Un diabétique de type 1 en pleine activité de dépistage (1928).

On reconnaît beaucoup plus facilement les premiers. Traditionnellement, on pistait le diabétique de type 1 à la bandelette de glycémie usagée. Chacun d’eux a en effet ses nids à vieilles bandelettes : fond de sac à main ou de sac à dos, pochette du lecteur de glycémie qu’on ne vide jamais, derrière de table de chevet, on en retrouve partout – sur les trottoirs, dans les allées de métro ou d’aéroport, pour qui a l’œil entraîné c’est tout à fait frappant.
Plus récemment, et avec la prolifération des lecteurs flash  du type FreeStyleLibre, on repère moins le diabétique de type 1 à ses traces qu’à sa danse caractéristique : il se colle le lecteur sur l’arrière d’un bras, constate que le capteur n’y est pas (il l’a changé de site il y a deux jours, mais pou le mettre où?), essaie l’autre bras, se trémousse, se tâte le ventre, se tripote le haut des fesses, il se contorsionne frénétiquement jusqu’à ce qu’un « bip-di-bip! » tout à fait caractéristique lui signale qu’il a enfin retrouvé ce @*!#!?  de capteur. Il faudrait se pencher sur la question de savoir si on n’aurait pas affaire ici en même temps à une sorte de parade nuptiale.

Mais les seconds ? Les diabétiques de type 1 en devenir mais qui s’ignorent et ne peuvent être identifiés comme tels que par des experts de l’anticipation ?
Pour cela, rien de mieux que la célèbre méthode « Barista/Dame-Pipi » : posté dans son coin, l’observateur relève en silence la quantité de liquide absorbée par les personnes qui l’entourent, et la fréquence de leur passage aux toilettes par la suite.

Donnons à cela un tour un peu plus concret :
Imaginez-vous, par exemple, lors d’un apéritif entre amis, avec des enfants qui courent un peu partout. En voilà un qui attire votre attention, sans trop savoir pourquoi. Peut-être parce qu’il réclame sans cesse à boire, ou que ses parents ont mentionné qu’il s’est récemment remis à mouiller son lit la nuit, sans explication apparente. Vos oreilles se dressent, vos narines se dilatent, vous vous mettez à le suivre discrètement des yeux.
Tout en prenant une bonne rasade de Coca Zéro sans glace, vous tâtez la poche intérieure de votre veston ( qui peut aussi être un blouson en cuir, une veste de smoking, un plastron d’acier surmontant une cotte de maille, une combinaison de latex, vous vous habillez bien comme vous voulez, hein…) pour vous assurer que votre bon vieux glucomètre est à sa place, prêt à être dégainé. Par acquis de conscience, vous vérifiez qu’il est sur mode silencieux, et que l’autopiqueur est bien chargé. Damned ! Plus qu’une lancette et deux bandelettes en réserve ! Ça devrait faire l’affaire, mais vous n’aurez pas droit à l’erreur.
L’air de rien, en causant avec les uns et les autres, vous parvenez rapidement à établir sur votre cible une liste d’informations sensibles qui ferait pâlir d’envie n’importe quel  service de sécurité intérieure:

  • identité: Alphonse-Rodrigo Topinard
  • âge : 3 ans et demi.
  • passé criminel : deux morsures sur des camarades de garderie rapportées et, plus troublant, une citation à comparaître pour une sombre histoire de trafic de PlayMobil, classée sans suite. On signale également au moins trois tentatives d’évasion, dont une presque réussie, hors d’un parc à barreaux de haute sécurité, équipé d’un Babyphone avec vidéo thermique 24/24 intégrée et d’un détecteur de mouvement de dernière génération.

Aucun doute, c’est un dur à cuire.

Sans tambours ni trompettes, sans sirènes ni gyrophares, vous décidez d’opérer en douce, tel le Guépard Polaire du Yukon. D’abord, il faut détourner l’attention des parents. Rien de plus facile : lancez-les dans une discussion houleuse et passionnée concernant, au choix, l’obligation vaccinale, le mouvement #metoo, ou encore le régime sans gluten. Tandis qu’ils s’empoignent, disparaissez pour vous rapprocher imperceptiblement du jeune suspect. Au moment opportun, vous l’accostez et l’invitez à se ranger sur le bas-côté.

– « Bonjour M. Topinard. Brigade de dépistage des corps cétoniques. Ceci est un contrôle de routine. Veuillez descendre de votre véhicule à pédales avec les mains bien en évidence, et venir me souffler dans la figure : je peux reconnaître l’odeur de l’acétone à 50 mètres.
– Caca-Boudin !!! » riposte-t-il avec humeur après un court instant de stupeur, et faisant mine de vous foncer dessus.

Vous accusez le coup, mais ne vous démontez pas pour autant. Avec autorité, vous vous plantez en plein milieu de son chemin, tout en maugréant que décidément, les enfants d’aujourd’hui sont drôlement mal élevés, et que de votre temps blablabla.

Seconde sommation :
– « Dîtes donc jeune homme, il faudrait voir à changer de ton. Selon nos relevés, vous avez consommé pas moins de six verres de  grenadine, et changé déjà trois fois de couche. Le bilan de votre conduite erratique se monte déjà à un mur éraflé, un verre brisé, une table basse contusionnée, une oreille de cocker écrasée et quatre orteils aplatis. Ceci suggère que vous vous déplacez avec un taux de glucose dans le sang bien supérieur à la limite autorisée des 0.80g par litre. Soyons francs : vous êtes fait comme un rat.
– Meuh…d’abord, t’es pas belle ! » hurle-t-il avec la fureur désespérée du coupable acculé au pied du mur.

Le coup est dur, vous ne vous y attendiez pas et l’avez pris en plein dans l’ego. Un « grosse patate pourrie » de plus, et vous ne pourriez plus vous en relever. Tandis que vous gisez encore sur le sol, abasourdi par la violence des propos dont vous venez d’être victime, un des parents finalement alerté par le vacarme cesse d’étrangler son conjoint et fait irruption sur cette scène pleine de violence et de désolation.

– « Mais enfin Alphonse-Rodrigo, on ne dit pas des choses pareilles. C’est vrai que madame n’a pas un physique facile, mais il faut  être inclusif et louer la diversité corporelle. »

Vous vous remettez péniblement sur vos jambes, encore incertain de ce qu’il faut entendre exactement par « inclusif » et « diversité corporelle », mais n’en exposez pas moins au parent tombé du ciel l’ensemble de vos observations cliniques, hypothèses diagnostiques et recommandations thérapeutiques: il vous faut absolument le sang de cet enfant et son urine pour être sûr!  Étonnamment, vous sentez votre interlocuteur se raidir (ce n’est pourtant pas comme si vous aviez réclamé son foie cru pour une cérémonie en pleine lune. Quoique…). Les choses empirent lorsque vous évoquez le mot « diabète de type 1 » :

– « Mais de quoi est-ce que vous me parlez ? Alphonse-Rodrigo n’a pas le diabète, d’ailleurs il n’y a pas de ça dans la famille (pas plus que de personnes avec des problèmes de santé mentale, de consommation de drogue ou de séjour en prison, tout ça c’est seulement chez les autres). Arrière vieille sorcière! ne t’approche plus de cet enfant ! »

Échec cuisant ? De fait, il est très probable qu’Alphonse-Rodrigo ne déclenchera effectivement jamais de diabète de type 1 et c’est heureux, même s’il est décidément très mal élevé par des parents que vous prendrez un soin particulier à ne plus jamais recroiser.
Comme tous nos frères humains, nous souffrons de biais d’interprétation, qui nous conduisent à croire repérer dans les situations nouvelles des choses et des configurations que nous connaissons déjà. Je ne serais pas étonnée qu’un asthmatique chronique ait aussi tendance à voir des asthmatiques partout, et frémisse dès qu’il entend une respiration un peu sifflante.

Ce que cette sollicitude et cette solidarité spontanée peuvent créer – dans certains cas du moins, parce qu’après tout, le fait d’avoir une maladie n’a en soi aucune raison de nous prédisposer à entrer dans une alliance mystique avec les autres personnes qui en sont affectées, et à vouloir nous associer à elles pour conquérir le monde ou au moins créer une association de méchants diabétiques – ce sont des attitudes plus mesurées et plus appropriées, quand un voisin, un ami, un collègue vous apprend qu’on vient de diagnostiquer un DT1 à l’un de ses proches.

Vous lui épargnerez les commentaires qui n’aident pas et dont il a souvent déjà été question sur ce blogue, du type : « Oh, mais maintenant tu sais, ça se soigne super bien. Et puis bon, c’est pas comme s’il avait [cochez la mention qui s’applique :] un cancer/ une hémophilie/ un vrai handicap/ confiance dans l’avenir de la Gauche en France. »

Vous allez plutôt, par exemple, le regarder droit dans les yeux, poser calmement votre main sur son avant-bras, et lui dire : « Je suis vraiment désolé. Ça va être dur. Ce petit va en baver, vous aussi, c’est complètement injuste. Mais ça va aller. Vous allez apprendre et lui aussi. Soyez exigeant avec les professionnels de santé, il y en a d’exceptionnellement dévoués qui sauront vous répondre, vous soutenir, et qui iront même jusqu’à vous avouer bien humblement que, parfois, ils ne comprennent pas mieux que vous, mais qu’on peut toujours tenter un petit quelque chose pour rendre la gestion de la maladie un peu plus simple, un peu plus facile, supportable un jour de plus. Avec la maladie comme sans, il finira bien par devenir ce qu’il est.  (ne me demandez pas ce que ça veut dire, j’ai lu ça quelque part dans Psycho-Philosophie Magazine et je trouvais que ça avait l’air drôlement profond) »

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14 Commentaires

  1. adet

    Bonjour,

    La pensée magique constitue souvent le bouclier pour masquer l’évidence néfaste de notre maladie, vivre avec, oui mais comme un héros pour l’enfant.

    Les héros par définition ont un courage extraordinaire et pour un enfant lui dire deviens celui que tu es, un héros malade, facilite peut-être l’acceptation, même si cela revient à édulcorer un peu son existence, je n’ai pas dit sucrer son existence.

    Par la suite l’heure de la révolte, du refus de la maladie et de la désobéissance viendra, adolescent il sera alors temps de lui redire à nouveau deviens celui que tu es, un malade comme tant d’autres, insatisfait de son existence mais un malade conscient de la réalité et de la nécessité de se soigner chaque jour.

    Et comme nous tous il fera appel à sa propre pensée magique, la bonne ou la mauvaise selon notre humeur.

    Bien cordialement.

    Joël

    • Aude

      Cher Joël,

      Merci pour votre réaction.
      Oui, la pensée magique et l’auto-persuasion sont des ressources puissantes, et il semblerait même que d’un point de vue évolutionniste, elles aient contribué à notre survie comme espèce durant les âges farouches : en dépit de toutes les preuves du contraire, je me persuade que je vais parvenir à attraper ce mammouth laineux, ou à conquérir le coeur du chef du clan (tout aussi laineux), fermement convaincue que, comme ne l’a certainement jamais dit St Augustin, sur un malentendu, ça peut toujours marcher…

      Ce qui me chiffonne, c’est l’effet que ce type de discours (la maladie est une force, un moteur, une occasion de se surpasser, de faire ce que l’on aurait jamais fait sinon, etc.) peut avoir sur le grand public: cela invisibilise les malades et la réalité de leur situation qui est loin d’être toujours glorieuse. Merci à la maladie d’avoir fait de moi ce que je suis, c’est-à-dire aussi quelqu’un qui vomit ses tripes à 4h du matin, parce que le cathéter de pompe changé la veille s’est coudé au moment de l’insertion. On préfèrera de la même manière voir un patient atteint de la maladie de Crohn courir le marathon de Paris qu’en train de changer le sac de sa stomie.

      Nous espérons, pour nous mais surtout pour ceux qui nous succèderont, un moyen de guérir cette maladie, et réclamons aux pouvoirs publics des moyens pour soutenir les chercheurs et les chercheuses qui y travaillent. Nous nous indignons des profits qui sont tirés de manière plus ou moins détournée de notre situation et de notre dépendance vitale à certaines substances et dispositifs médicaux par des parasites pharmaceutiques et des actionnaires cupides. Si nous le faisons, c’est parce que tout bien considéré, c’est-à-dire même en tenant compte du fait que le DT1 n’empêche pas de mener une existence satisfaisante voire extraordinaire (surtout quand on est blanc, éduqué, vivant dans un pays où les soins de santé sont de bonne qualité et pris en charge par la communauté), nous sommes convaincus qu’on vivrait mieux sans cette maladie qu’avec. Il me paraît particulièrement paradoxal que nous nous retrouvions à devoir le prouver, contre un discours dominant qui utilise des patients et certains de leurs accomplissements réels pour réduire les autres – la majorité – au silence et la honte, sous prétexte que « quand on veut, on peut ».

      Bien solidairement!
      Aude

  2. Petrus

    Bonjour.

    Diabétique de type 1 moi même, je suis régulièrement sujet à de puissantes pulsions éducatives à l’attention des populations conseillantes n’ayant pas la chance d’attirer les fourmis en pissant.

    Mais comment leur permettre de devenir sucrés temporairement?

    Cette simple question pratique vient à bout de n’importe quel pédagogue.

    La partie outillage d’abord ; s’il est possible d’envisager l’ablation des cellules beta des ilots de Langerhans à l’aide d’un couteau de cuisine et d’un mixer par exemple, cela suppose un passage définitif du côté obscur de la glycémie pour l’élève.

    Ce qui n’est pas le but recherché.

    Pour faire dans le temporaire il faudrait quelque chose comme une sorte de machine à clamp interne et je ne suis pas sur que ce type de matériel soit à la portée du pédagogue moyen.

    La mise en place ensuite, forcément très tachante avec tous ces morceaux de viande qui voltigent.

    Et comment maintenir le ton doctoral nécessaire au discours pédagogique tout en couvrant les hurlements de l’élève ?

    C’est mission impossible, totalement irréalisable en pratique.

    Mais il existe d’autres possibilités plus praticables couvrant des domaines éducatifs plus restreints.

    Par exemple, une idée m’était venue en écoutant une dentiste m’expliquer que je devais absolument cesser toute consommation de boisson sucrée.

    L’injection de 2 ou 3 cc d’actrapide avec une simple seringue munie d’un trocart est à la portée de tous, rapide et sans douleur d’après les meilleurs experts.

    Et quelle valeur éducative irremplaçable !

    Parce qu’une fois l’épilepsie enclenchée, le célèbre ton professoral des soignants-sachants ne peut que faire des merveilles :

    « Y’en a pas boire sucre. Y’en a trop con pour comprendre. Y’en a fermer sa gueule client suivant attendre. »

    Je n’ai hélas jamais eu la possibilité de tester cette expérience.

    Mais à n’en pas douter, les vertus pédagogiques de cet apprentissage de l’hypoglycémie prolongée et du coma qui s’ensuit eussent fait rosir de bonheur Aristote lui-même.

    Comme quoi, l’éducation c’est surtout une question d’imagination.

    • Aude Bandini

      Hé-hé-hé…

      Si jamais vous passez par le désert de l’Arizona, faîtes donc un saut dans mon laboratoire secret, nous y testerons les stratégies pédagogiques innovantes que vous évoquez, et bien d’autre encore…

  3. Bertrand Burgalat

    Merci Aude pour ce texte brillant (et merci au diabète insulinodépendant sans qui tu ne l’aurais pas écrit hin hin hin).

    • Laure

      J’allais faire la même blague 🙂
      Merci pour ce joli texte,
      épouse et maman de DT1 j’ai souvent envie de demander à Marsault de faire un dessin de ce que je ressens
      Cette résilience forcée est insupportable!
      Le « grace a la maladie » déclenche en moi comme une envie de frapper tout le monde, j’étais déjà sympa avant d’avoir des emmerdes …
      A l’annonce du diabète de notre fille j’avais plus envie de me faire tatouer #lavieestunesalope que de rendre grâce ! ( j’hésite encore avec #lifeisafuckingbitch je trouve que c’est pas mal non plus :-))
      Bref merci à Diabeteetmechant d’exister, ce blog nous tire vers le haut !

    • Aude Bandini

      C’est pas faux!

      • Bertrand Burgalat

        L’oeuf et la poule diabétique… Pour rester vec Frédo : tout ce qui ne nous rend pas plus fort nous tue.

        • Aude Bandini

          Exactement, je le répète tout le temps à mes étudiants: on ne cite jamais cet aphorisme qu’à moitié!
          En vrai, ça dit « Appris à l’école de guerre de la vie: ce qui ne me tue pas me rend plus fort…mais ce qui me tue me rend plus mort. »
          Mais comme, outre le fait que je suis incapable d’en fournir la preuve textuelle, je ne suis jamais capable d’écrire « Nietzsche » correctement, personne ne veut me croire.

  4. François Peyrony

    Merci Aude pour ce texte !

    Je vais me permettre d’être moins drôle que tu ne l’es, en posant un postulat que dans ta générosité positive tu n’as pas osé poser :
    le diabète peut faire de nous quelqu’un qu’on n’est pas. Ou qu’on n’est plus. Quelqu’un qu’on aimerait retrouver un jour, mais que des entraves plus ou moins visibles empêchent d’y parvenir.

    C’est l’entourage qui le dit, les proches, les aimants, ceux qui vous connaissaient avant : le diabète (et probablement les autres maladies chroniques, incurables, et qui font baisser l’espérance de vie) nous transforme parfois (souvent ?) en des êtres plus sombres, plus négatifs, et il faut bien l’avouer moins attachants…

    Il n’y a pas que certains symptômes liés aux hypo où hyperglycémies, comme l’irritabilité, l’inattention, la maladresse ; il y a un courant de fond, un vent froid, un filtre de couleur verdâtre (le poète dit « glauque »), qui modifient notre perception du monde, et par là-mème modifient la manière dont on est perçu.
    « Tu as changé », « tu as perdu ton humour », « tu ne penses plus qu’à toi » ; je pense que beaucoup d’entre nous ont entendu ces phrases, et qu’on les reçoit en pleine gueule comme des cadeaux Malux.

    Peut-être que ce que j’écris est lié aux diabétiques qui sont dans mon cas, à savoir diagnostiqués plutôt tard dans leurs vies, et qui peuvent, à leurs propres yeux et à ceux du monde, parfaitement bien distinguer une vie avec le diabète et une vie sans.

    J’ai écrit « espérance de vie » ; et j’écris maintenant « désespérance de vie ».
    L’espérance est une notion mathématique, plus exactement une notion de statistique. Pas la désespérance.
    Le diabète, d’après ce que j’ai lu, fait baisser l’espérance de vie de 10 ans. Désespérance.
    Je verrai vivre mes enfants 10 ans de moins. Désespérance.
    Je mangerai des fraises, verrai des couchers de soleils, des conjonctions Mars/Jupiter, 10 ans de moins – et encore, si je ne fais pas de bêtises, d’erreurs, de craquages, dans mes soins et mon hygiène de vie -. Désespérance…

    Alors, oui, le diabète a fait de nous ce que l’on est,
    sauf que ça peut être en moins bien,
    moins joyeux, moins solaire, moins sociable, moins fréquentable.

    Et le pire peut-être, le pire sans doute, est que le DT1 est une maladie auto-immune, c’est-à-dire qu’à un niveau inconscient c’est un mal qu’on s’inflige à soi-même ; nous sommes les auteurs de notre propre déchéance, qui donc, je l’ai dit, se traduit aussi, en plus d’une déchéance physique, par une déchéance disons morale.
    L’étymologie de « déchéance » est limpide, c’est « choir ».

    Le diabète est une chute.

    • Aude Bandini

      Merci François!
      Effectivement, la dérision est ma stratégie de prédilection. Cependant, elle a ses limites, notamment celles que tu mentionnes. Diagnostiquée dans l’enfance, je n’ai pas beaucoup de souvenirs de ce dont avait l’air la vie avant. Mais en vieillissant, je pense souvent au type de rupture, pour ne pas dire de désastre, que ça a dû représenter pour mes parents et mon frère ainé. Je n’ai jamais autant voulu guérir qu’en constatant leur détresse (pourtant Dieu sait qu’ils n’ont pas lésiné sur les moyens de me la dissimuler). Et je suis émue en voyant dans les commentaires associés à cet article qu’il fait réagir des parents aussi bien que des patients, parce qu’il s’adresse effectivement aux deux.
      Tu le dis très bien: il n’y a pas grand chose de réjouissant dans la maladie. Mais si à cela on rajoute l’injonction de se réjouir quand même, c’est la double voire la triple peine: la maladie, la solitude, et en plus la culpabilité de ne pas être capable de les transcender, alors que selon le discours ambiant, on devrait trouver en soi les moyens d’en ressortir « grandi » – du moins selon les critères établis de ce qui correspondrait à une croissance spirituelle valide, i.e. être performant, encore plus performant que les non-malades, de préférence dans le monde de l’entreprise ou du sport de haut-niveau, parce qu’il est important que cela se voit.
      Evidemment que c’est admirable si on y parvient, mais il me semble qu’être juste un être humain décent, c’est aussi déjà pas mal, et que la maladie n’est pas le seul combat auquel un patient chronique peut vouloir se consacrer: les malades aussi ont parfois des chagrins d’amour à surmonter, des échecs professionnels et des difficultés économiques dont ils essaient de se sortir, des proches en début ou en fin de vie dont ils veulent prendre soin. Et la maladie ne leur simplifie pas vraiment la tâche à cet égard.
      Pour ce qui est du fait que via la maladie auto-immune, nous nous faisons du mal à nous-même, voire nous nous détruisons nous-même, je ne sais pas trop quoi en penser. Symboliquement, il est difficile de ne pas faire cette inférence. Mais il y a un truc qui me perturbe, sur lequel je n’arrive pas spontanément à mettre le doigt. Je vais y réfléchir…
      Amitiés transatlantiques,
      Aude

    • Camille

      Merci d’avoir mis des mots sur ce que je ressens mais incapable d’exprimer…

  5. Camille

    Bonjour Aude, ou plutôt bonsoir depuis la France,
    Phobique des aiguilles, j’ai été diagnostiquée DT1, et sous insuline comme cadeau de St Valentin, deux semaines avant mes 35 ans.
    Depuis ces quelques mois, je suis en lune de miel, quelle belle expression pour signifier, tu as de la chance, ce n’est qu’une injection quotidienne d’insuline lente…
    Mais chaque matin, c’est le stress du résultat sur le glucometre, c’est cette aiguille qui me perce le ventre, c’est la trouille de manger, car les résultats jouent au yoyo avec ou sans écarts. Et le moral dans tout ça, il fait comme la glycémie, une bonne glycémie = bonne journée, une mauvaise glycémie = déprime et stress pour la journée…

    J’arrête de me plaindre et je te remercie pour ce texte, et j’ai beaucoup apprécié les commentaires.

    Merci
    Camille

  6. Joel ADET

    Bonjour,

    Aude, je fais suite à mon dernier échange épistolaire et à votre amicale réponse, je suis un héros, moi aussi, je viens seulement d’en prendre conscience ce dernier dimanche.

    Invités à déjeuner chez des amis avec d’autres amis, mon épouse et moi, un peu éloignés de notre domicile, je suis arrivé chez eux non pas pour prendre de suite l’apéritif mais pour prendre quelques morceaux de sucres indispensables à l’hypoglycémie qui se manifestait, l’heure habituelle du repas étant dépassée, mon stock de sucre dans mon véhicule n’ayant pas été dangereusement reconstitué.

    Comme à l’habitude, chez tous nos amis ayant déjà participé à la correction de ma glycémie ou assisté au contrôle « non destructif » et à mes injections d’insuline, si, si, il y en a qui veulent assister à la torture, j’ai entendu les saintes paroles habituelles, toi qui a produit des tonnes de sucre pendant ta carrière professionnelle, être obligé de lutter contre le sucre ou d’en prendre en urgence c’est un comble.

    Mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa, je confesse avoir exercé pendant 43 ans de fidélité inconditionnelle un métier au sein d’une sucrerie coopérative champenoise et d’avoir souvent présenté son activité et sa production avec fierté en vantant surtout auprès des enfants et de leurs parents l’énergie de ce beau sucre blanc.

    Vous vous posez sans doute la question mais ou se cache le héros dans l’histoire, c’est simple, si dimanche j’ai eu besoin de quatre morceaux de sucres de 5g pour être tiré d’affaires, calculez le nombre de diabétiques ayant échappé à un coma avec l’aide des millions de tonnes de sucre produits dans ma carrière.

    D’autres diront que je suis coupable d’avoir empoisonné la collectivité des diabétiques T2 en gagnant mon salaire proportionnellement à leur glycémie, plus la glycémie monte en absorbant beaucoup de sucre, plus le profit est grand et meilleur était le salaire.

    D’autres encore se réjouiront peut-être de ce que le sort m’a réservé à 50 ans, la découverte de mon diabète type 2, puis 12 ans plus tard, à la suite de TIMPP, de mon diabète pancréatoprive et que tout compte fait je mérite mon sort de diabétique actuel.

    Si cette maladie est la rançon du succès, je cherche encore ce que j’ai fait ou exercé comme autres activités pour en plus bénéficier gratuitement et mériter maintenant une douzaine de maladies chroniques.

    Mais comme aurait dit un vieil ami médecin du travail, lors de visites médicales annuelles, en sommes tout va bien.

    Cordialement.

    Joël retraité Champenois

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2016 - Diabète et Méchant