Diabète et méchant

Tout espérer, ne rien attendre.

La guerre est finie ?

Drôle d’armistice.
Les cas sont devenus plus rares, les autres pathologies ont repris leur place dans nos agendas.

Après la pression, la dépression.

On sent une lassitude. La routine de porter un masque, la normalité de ne plus s’embrasser, de saluer sans toucher.

Cette pandémie a fait perdre le goût et l’odeur à certains, il a fait perdre le toucher à tous.

Que faudra t’il en penser ? Qu’en retiendrons-nous ? Je suis bien incapable d’avancer la moindre hypothèse.

La médaille (offertes aux soignants ! et offert avec  : un pin’s parlant à l’effigie du Préfet Lallement « Ceux qui sont en réanimation sont ceux qui n’ont pas respecté le confinement » youpi) a deux faces. Certaines personnes sont réputées plus fragiles dans nos sociétés. Et nos sociétés ont voulu les protéger, projet louable, mais de fait, les stigmatiser, les exclure, les isoler. En protégeant nos anciens, on les enferme. On invente des parloirs d’EHPAD. L’ambiance est carcérale. Je suis pourtant le premier à réclamer des mesures de protection pour ces mêmes établissements. Dilemme !

Les diabétiques ont eu « le privilège » de pouvoir se mettre en retrait pour se protéger. Graver leur fragilité, leur différence. Cette différence déjà tatouée par un capteur qui attire l’œil des enfants, par des « pods » qui ne laissent aucun répit. On traîne sa maladie sur une charrette, comme un insuffisant respiratoire traîne sa bouteille d’oxygène. Ce statut de malade listé pousse aussi certains employeurs à mettre de côté les malades de leurs effectifs.

Mes enfants ont écouté le Président lors d’une de ses premières allocutions télévisées. Il évoque le diabète, les regards se tournent vers moi, en ricanant. Puis quelques minutes plus tard quand mon épouse rentre, ma fille de 7 ans court vers elle en disant « papa va mourir, c’est Macron qui l’a dit »… La mise à l’écart des plus fragiles, réponse bienveillante et « pleine de bon sens », stigmatise, exclue, angoisse les concernés, et leur entourage. On entretient les archétypes.

Les études s’affinent, les risques se précisent. Les « diabétiques » (1 acheté, 2 offerts !) restent dans le flou. Mon prof de maths du collège répétait « on ne mélange pas les choux et les carottes »… Ben oui mais encore une fois, le sac « diabétique » contient des type 1 et des type 2, soit tout et son contraire ! Sauf que la règle sera la même pour tous et les études distinguent rarement. Les diabétiques sont très nombreux dans la population et notamment chez les plus âgés. Même raisonnement pour l’obésité. L’obésité et l’âge sont des facteurs de risque unanimement reconnus… Le diabète est-il alors un facteur de risque ou un marqueur de risque ? (dit grossièrement : est-on plus à risque parce qu’on est diabétique, ou le fait d’être diabétique augmente t’il simplement le risque d’être gros et vieux ?). Et le type 1 dans tout cela ? Peu de données. L’étude coronado, s’intéresse aux malades hospitalisés. C’est une belle collaboration des CHU français. Mais le design de l’étude ne permet pas de définir le surrisque des diabétiques par rapport à la population générale. Elle caractérise les diabétiques souffrant d’une forme suffisamment sévère pour être hospitalisés. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1262363620300859

Une large étude anglaise donne un aperçu du risque relatif de chaque « comorbidité ». Le diabète apparaît comme un risque. Marqueur ou facteur ? https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.05.06.20092999v1. En tout cas l’équilibre du diabète, évalué à la louche par plus ou moins de 7,5% (5,8mmol/mol) semble jouer un rôle dans ces 2 études.

100751661_10158196832437170_7402024415489163264_o OpenSAFELY_ factors associated with COVID-19-related hospital death in the linked electronic health records of 17 million adult NHS patients_

 

 

 

 

 

La fameuse publication de The Lancet donne un risque relatif de 1,206 pour les diabétiques, soit un risque moindre que de prendre de la chloroquine ! Et même un risque moindre que d’être Black ou Hispanic… Les comparaisons ethniques, non usitées en France, me donne toujours un petit vertige, et une certaine nausée. https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)31180-6/fulltext?fbclid=IwAR0MvypmuMrF71KP4W9vPuUJGm32c-N0dhBumZJsYr-79W3B8EesfvvB7X0

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A la lecture de ces publications, fallait-il alors rappeler publiquement à longueur de listes, à longueur de discours, dans les règles administratives que les diabétiques étaient à risque ? Quels impacts cette fragilité affichée ont-t-ils sur ces personnes ? Il y a là une source d’angoisse certaine. Une proximité de la mort constamment assénée. Hier encore, une patiente m’expliquait avec quel zèle elle s’était confinée, qu’elle avait déjà renoncé à toutes les invitations familiales pour l’été. L’auto-exclusion…

Comment trouver un équilibre entre la nécessaire protection adaptée à chacun, et une intégration des minorités malades, un refus de la discrimination sur l’état de santé ?

Beaucoup d’amis et de patients diabétiques m’ont interrogé sur la conduite à tenir, sur ce patron qui, sachant la situation, exige un certif ‘ (non légal), pour « se couvrir », sur ce médecin du travail un peu zélé… Quoi répondre ?

C’est aussi un lourd impact de cette crise : la dictature sanitaire ! Tout est microbe. Et toute décision doit être validée par le médecin. Nous voilà conseiller conjugal, inspecteur du travail, agent de Police. On demande notre avis pour voyager au-delà de 100 km, pour reprendre le travail, pour faire chambre commune ou chambre à part. Un enfant éternue une fois, ou a 38 de température (une fois, sans autre signe, avec un thermomètre aussi précis que la diction de Garcimore) et on nous demande un certificat avant d’admettre de nouveau l’enfant en collectivité. On validera bientôt le lavage des mains à la sortie des toilettes, on inspectera sous les ongles… On a bien fait de traîner si longtemps à la fac !

La médecine prend trop de place. La médecine n’est pas la politique. Et inversement.

Les malades chroniques ont encore une fois été considérés sur leur identité sanitaire. Cela n’a pour moi aucun sens.

Je ne suis pas ma maladie.

 

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  1. Félix Joly

    Tu as raison Charles. Nous sommes atteints par une maladie, porteur d’une maladie mais nous ne sommes pas et ne serons jamais une maladie.

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