Diabète et méchant

Tout espérer, ne rien attendre.

Étiquette : Tresiba

L’EUROPE DE L’INSULINE RESTE À CONSTRUIRE

Il y a quelques jours, en Italie, j’entre dans une pharmacie et demande à tout hasard s’ils ont de l’insuline Tresiba*. Elle existe ici, oui, ils peuvent la commander. Le prix? 144,90€ les 5 stylos. Oups. Je me rends dans une autre officine, idem, reviens à la première, qui avait l’air sympa, et commande une boite**. L’après-midi je la récupère, 135€ : le patron, pris de pitié devant mes airs effarés, m’a fait spontanément une remise. J’en profite pour lui demander le tarif de la Lantus : 77€, 40% moins cher qu’en France. La Novorapid, elle, est à 35€.

Retour à Paris. Pas de Tresiba dans la base de données de la pharmacie. Toujours pas de FreeStyle Libre non plus, qui a pourtant l’agrément CE*** depuis un an et demi, est préremboursé par les mutuelles en Allemagne depuis un an… En revanche l’Apidra, cette nouvelle insuline rapide made in Sanofi, qui semble agir (et s’arrêter, ce qui n’est pas forcément top…) plus vite, est bien en vente. A 35€ elle n’est pas plus chère que les autres.

De 35 à 144€, que de disparités, et c’est encore pire aux États-Unis où la boite de Lantus grimpe à 400$. Mais pourquoi s’en faire puisque « tout est gratuit », comme le serinent les diabétiques-modèles de l’AFD? Gratuit, vraiment? Cette année, en regardant de plus près la feuille Sacem, qui récapitule les droits d’auteur qui m’ont été versés, j’ai remarqué que plus de 25% de ce que j’avais gagné avait été prélevé par l’Assurance-maladie, sans compter la complémentaire obligatoire qui ne me rembourse rien.

Maintenant que j’utilise le FreeStyle Libre je n’ai même plus les bandelettes à déduire. Bref, même à 100%, je ne coûte pas cher à la Sécurité sociale, pourtant en bien mauvaise santé (la Sécu). N’ayant plus que les aiguilles et l’insuline rapide à sa charge, cela représente, avec les consultations chez le médecin, moins de 1000€ par an pour la collectivité. Pas trop mal, après 41 ans de diabète insulinodépendant.

L’insuline et le diabète concentrent le pire des deux mondes : capitalisme sans concurrence ; étatisme au service d’intérêts particuliers ; invocation des grands principes (comme le fameux « programme du Conseil National de la Résistance », qui n’a jamais existé) et dévoiement de ceux-ci. Un des freins à toute entrée d’acteurs nouveaux sur le marché, ce sont les procédures de remboursement, on le voit avec les atermoiements autour du FreeStyle Libre. Et si on abordait les choses différemment? Fabriquer des produits de base (une insuline lente vraiment lente et une rapide vraiment rapide, une pompe, un lecteur et un patch), stables, sans marketing et sans pub, pas chers, vendus au même tarif à Asmara et à New York. Le prix unique de l’insuline et des autres consommables éviterait bien des morts dans les pays où ces traitements restent hors de portée, et la baisse des profits pour les industriels serait même atténuée par l’augmentation de leur volume d’affaires et la diminution de leurs dépenses de communication. Si les grandes marques comme Apple ou Chanel s’acharnent à unifier leurs prix dans le monde, pourquoi ne le ferait-on pas pour l’insuline, en commençant par l’Europe, où les tarifs et la prise en charge varient considérablement d’un pays à l’autre?

(*) : Après 12 ans de Lantus, lassé de son instabilité, et peu rassuré sur ses effets à long terme, j’avais envie de changer. L’an dernier, sur les conseils de mon ami Bernard Le Lann, DT1, qui avait lui aussi fini par prendre en grippe la Lantus (il est décédé il y a un mois d’une tumeur au pancréas…), j’étais revenu à des insulines d’une structure plus rustique : Humalog 50 aux repas et Humalog 100 pour les rappels. mais l’Humalog 50 n’est pas assez lente pour le métabolisme, et l’Humalog rapide pas assez rapide (dans mon cas). D’où mon intérêt pour la Tresiba, à la durée d’action trois fois plus étendue que la Lantus.
(**) : Je ne fume pas, ne bois pas, ne vais jamais dans les musées ou au théâtre, chacun son truc, chez moi maintenant le budget loisirs passe en insuline et en patchs.
(***) : Ce qui signifie que le produit peut être vendu dans l’Union Européenne, même s’il n’est pas remboursé.

LE DIABÈTE NIVEAU CONCOURS LÉPINE

Il y a deux mois j’avais été contacté par un jeune agenais très sympathique, Benoît Mirambeau, sur les conseils de Christine Jammet, vaillante activiste DT1 dacquoise. Afin d’aider sa mère diabétique, il avait mis au point une application destinée aux téléphones portables et aux ordinateurs. Le principe : on inscrit sa glycémie, son activité physique et ses repas, puis l’algorithme détermine les doses à injecter. D’autres programmes du même type existent déjà à l’étranger, et ces dispositifs me semblent toujours moyennement convaincants, car ils font abstraction de la part irrationnelle des fluctuations de notre métabolisme et de notre alimentation, et son logiciel était encore plus axé que les autres sur le rôle du médecin prescripteur omniscient, qui saisit le protocole dans l’application et en vérifie le suivi.

Je lui avais donc répondu que son procédé, malgré ses excellentes intentions, perpétuait la fiction selon laquelle le diabète se traite en additionnant des valeurs glycémiques, et que la tendance des dispositifs, pompes, instruments d’analyse etc, à devenir des interfaces permettant au médecin de contrôler le diabétique à distance, me paraissait contre-productive. Nous n’avons besoin ni de doudous connectés ni de télécommandes actionnées par le diabétologue, mais d’instruments d’analyse fiables et souples, nous aidant à prendre nous-même les décisions, de façon empirique et pragmatique.

Puis son application a remporté le concours Lépine à la Foire de Paris. Je n’en ai pas parlé ici pour ne pas faire, une nouvelle fois, le rabat-joie. Il y a quelques jours, demandant un changement de garniture dans un restaurant, obligé comme souvent de me justifier et d’expliquer que j’étais diabétique face aux sarcasmes épicuriens du maître des lieux, celui-ci me dit : « vous avez vu, ça y est, il y a une invention qui soigne le diabète, qui a gagné le conours Lépine etc ». Toujours le mythe de la guérison imminente et « le diabète ça se traite très bien maintenant ». Pourtant, la seule invention notable, le FreeStyle Libre, est toujours inaccessible au plus grand nombre, et l’insuline la plus lente, la Tresiba, n’est pas disponible en France.

À la différence des imposteurs derrière la pantalonnade Diabeloop (une pompe à insuline connectée présentée comme un « pancréas artificiel » et inondée d’aides publiques) la démarche de Benoît Mirambeau est totalement désintéressée, et il a refusé toutes les sollicitations mercantiles. Mais tout de même, quel aveu d’impuissance. Le diabète au concours Lépine : on en est là.

Voici son site / http://www.diabeteprotocole.com

‪#‎diabète‬ ‪#‎DT1‬ ‪#‎FreeStyleLibre‬ ‪#‎Tresiba‬ ‪#‎Diabeloop‬ ‪#‎NovoNordisk‬

http://www.leparisien.fr/…/concours-lepine-une-application-…

Le 115e Concours Lépine des inventions a récompensé samedi une application permettant aux diabétiques de mieux suivre leur protocole de…
LEPARISIEN.FR
1093 personnes atteintes

 

DIALOGUE DE SOURDS

Ça y est. Après des mois de relances, jusqu’au siège du groupe au Danemark, Novo-Nordisk a daigné répondre (sous forme d’absence de réponse) à nos demandes d’information concernant l’insuline Tresiba. On n’est pas loin du 22 à Asnières, de Fernand Raynaud, ou du Train pour Pau, le sketch kafkaïen de Chevalier et Laspales, le « dialogue apaisé, collectif et constructif » attendra : les robots sont parmi nous. Une telle opacité serait-elle possible dans un marché ouvert?

Photo de Diabétiquement vôtre.
Photo de Diabétiquement vôtre.

 

PRODUIRE ET CONSOMMER LOCAL : GRÂCE AU DIABÈTE LA FRANCE REPART (ET LA SÉCU PLONGE)

http://referentiel.nouvelobs.com/file/15077299.jpgQue 20.000 usines de fabrication d’insuline fleurissent. Est-ce parce que sa cote de popularité à 14 ressemble à une mauvaise HbA1c? Pour François Hollande, « l’accroissement mondial de la demande pour les traitements anti-diabétiques » contribue à relancer l’économie. Il oublie que l’insuline, vendue bien trop cher, érode les comptes publics. Novo a mis au point une insuline lente très intéressante, la Tresiba, disponible un peu partout sauf en France. Cette usine était peut être le prix à payer pour qu’elle soit enfin commercialisée ici. Décidément rien n’a changé depuis le CNTS, le sang contaminé, Sanofi-Pasteur et le patriotisme économique dévoyé.

http://www.challenges.fr/entreprise/sante/20160421.CHA8188/hollande-visite-l-usine-novo-nordisk-de-chartres-et-vante-l-attractivite-de-la-france.html

 

2016 - Diabète et Méchant