Diabète et méchant

Tout espérer, ne rien attendre.

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Manifeste d’intranquilité

40 années de DID1 ce mois d’août.

Écrire.
Que dire ?
Le commencement, ses tâtonnements. Vaison-la-Romaine.

Août 1984.
Je pense mourir de soif et suis scout que coûte enclin à tout avaler même si je ne visiterai Fontaine de Vaucluse que trois décennies plus tard en ayant bien malgré moi anticipé les inondations.
Puis vient l’hôpital avec les moyens du bord et son personnel formidable.
Le matériel de soin toujours avec soi, dès le début et pour toujours.
Les premières bandelettes urine et sang, un carnet de glycémie type « compte Dracula », et le Dextro désormais compagnon amerloc’ de poids.
Un dessein, oui mais lequel ?
Ce sera un contraignant et indispensable tatouage pluri quotidien, seringues BD par sachets de 10 et aiguilles de 12 mm.
Flagrant délire !
Âgé de 14 ans j’aurais déjà apprécié qu’un malicieux Monsieur Cyclopède relativise ce qui survient en m’énonçant benoîtement que ici, en méditerranée,  » Bien qu’on Perse c’est Athènes si on laisse des Thraces »….
L’esprit digère les jeux de maux laids mieux que le corps, seule fin non contrainte.
Puis la sortie en fin d’après-midi 15 jours après.
Inoubliables et terrifiantes injections du premier soir.
Désormais seul capitaine à bord, j’ai peur.
Grand sot, ce junkie tour est indolore …
On se pique aussi naturellement qu’on respire.
Découverte des hypo insuline à gérer :
Je est un Autre et mange comme quatre.
Je ne m’appartiens plus.
Ma fratrie ne me reconnait pas et je lui règle encore un lourd et long tribut.
Désormais « adulescent », l’heureuse et nouvelle exigeante passion du vélo me saisit, fluctuant dans sa pratique comme le reste, encore présente et bienfaitrice.
Ma famille, des études, le boulot, autant d’histoires menées de front dont on ne saurait où elles nous mènent, avec comme seule certitude pour tenir l’impérieuse nécessité d’une attention constante portée à soi et le besoin absolu de se fondre en parallèle dans les exigences du quotidien et l’intérêt que nous devons aux autres.
Une, deux, trois et maintenant quatre décennies qui passent, cap(e) d’invisibilité toujours en place.
Coureur de fond option solitude et abnégation.
« Tu gères bien ton diabète !
– Oui oui ou plutôt comment te dire ?
Cela ne sert à rien, tu n’entendrais pas ».
J’ai autant envie de fuir que faim du débat.


Août 2024
Je mesure l’incroyable (r)évolution des traitements qui selon les vécus et sensibilités de chacun, édulcore la barbarie du quotidien.
La pompe, merveille de quit ou double, testée depuis deux mois, singulier anniversaire.
La conviction que l’analyse et formidable précision de contrôle glycémique rendues possibles par l’électronique peuvent obnubiler autant qu’elles libèrent.
Probablement une question de psychologie, génération, expérience, dose, équilibre et confiance.
Mais avant tout de mode de vie.
C’est parce que le stylo ne mine de rien que j’y reviens.
Et plus tard, vieillissant ?
Il faudra malgré tout se résoudre à déléguer.
Demain ne m’appartient pas même si par déformation je tente de tout maîtriser.
Et dans une ou deux décennies ?
Présent, je serai diabétique.

LES FRANCHISES MÉDICALES NE SONT PAS INDOLORES POUR TOUT LE MONDE

franchise

Nous sommes diabétiques. Nous allons régulièrement chez le médecin, au laboratoire et même fréquemment à la pharmacie.

Aujourd’hui, la plupart des professionnels de santé appliquent le tiers payant, voire le zéro reste à charge. Mon généraliste, ma pharmacienne, le SAMU et mon labo ne me font pas payer.

Mais un globe urinaire m’a envoyé chez un urologue et un ongle cassé surinfecté chez une dermato. J’ai avancé 161 € en moins de deux mois, dont 41€ de dépassement. J’ai été remboursé 0+0=0.

J’avais pourtant ouï-dire par ma radio de gauchistes que les franchises médicales étaient plafonnées à 50€/an pour les malades chroniques. France-Inter aurait menti ?

Curieux, j’appelle le 3949. Miraculeusement, j’arrive à joindre quelqu’un. De notre conversation, il ressort que:

  • Les franchises existent toujours
  • Elles sont limitées à 50€ / an pour les malades chroniques
  • Il ne faut pas oublier les participations aux soins (+50€/an)
  • Ça ne revient pas à zéro en fin d’année
  • Elles forment une dette mise en recouvrement au bout de 5 ans, si elles n’ont pas été apurées par les paiements des patients aux professionnels conventionnés

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LES MASQUES TOMBENT

Le Professeur Grimaldi a consacré sa vie à compliquer l’existence des diabétiques. Mandarin (à la retraite depuis 2009) stipendié (selon la base Transparence Santé du gouvernement), toujours prompt à enguirlander les patients, à exiger obéissance (rebaptisée observance) aveugle, à détourner au profit des nomenklaturistes de la santé les revendications légitimes du personnel des urgences et pousser à la dépense publique, il vient de se surpasser avec cette tribune publiée ce dimanche dans le JDD.

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Chronique 2 de Monsieur Hémoglobine Glyquet

Hello, mes collègues de la piquouze !
Salut, les encerclés du freestyle !
Et les typun ? Au chocolat…

Dans cette chronique, après m’être réuni avec moi-même, prenant mon courage à deux mains et sous le bras un clavier azerty (qui en vaut deux), et m’injectant dans l’esprit une dose de détermination équivalente pour le moins à 12 unités d’insuline rapide (cherche laboratoire sérieux pour sponsoriser ce passage), dans cette chronique, donc, j’ai décidé de me pencher sur l’état de la recherche, tel un laborantin forcené se courbant sur son microscope à balayage électronique afin de compter les ultimes amibes qui lui restent après un an de pandémie chauvesouriesque.

Un coureur cycliste de renom, le Général De Gaulle, a dit : « la France, ma France, n’a pas besoin de chercheur, la France, ma France, a besoin de trouveur ». Est-ce une citation apocryphe ? C’est fort possible. De nos jours, on fait dire tellement de choses aux coureurs cyclistes, à l’insu de leur plein gré…

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DIFFÉRENCES

Traversée du désert en solitaireJe suis tragiquement un malade d’apparence bien portant.

Dès 1984, mon premier endocrinologue me dit que ce sera comme porter des lunettes et que je m’y habituerai très bien.

C’est effectivement le cas mais je n’ai jamais pu changer de monture.

Après plus de 75000 piqûres et plus de 100000 trous dans les doigts, rien n’y fait.

Alternant hypo « tenues » et hyper « tendues » autant que vice et versa, des irritations soudaines ou de grandes fatigues, sans compter une langue de chameau et des mictions en veux-tu en voilà, chaque jour en sa compagnie me laisse coi.

Tout aussi héroïque que fourbe, il est d’une imprévisibilité qui n’a de cesse de me préoccuper et de me surprendre depuis déjà près de 36 ans.

Tenu de composer avec lui tant bien que mal, le temps et les difficultés croissantes de notre colocation douce amère font que je n’ai pas d’autre choix que de vous le présenter.

On l’appelle Diabète.

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Chronique 1 de Monsieur Hémoglobine Glyquet

L'humour, c'est du sérieux!Bonjour,

Je m’appelle Glyquet.

Hémoglobine Glyquet.

Ben quoi !? C’est un nom comme un autre, non ? Ce n’est pas plus con que de s’appeler Pierre Desproges, Marcel Cerdan ou Raoul Potaufeu. Si ?

Oui. C’est plus con, vous avez raison.

Soyons clair, je ne dois pas mon identité à mes parents mais à mon diabétologue. C’est certain qu’avant de le connaître, je me nommais autrement et, aujourd’hui, cet autrement se partage entre autrement et moi, entre moi et autrement, en résumé je me partage entre 2 moi… Comme Berlin et son mur à l’époque.

Je le connais depuis très longtemps, ce diable de praticien et, depuis une vingtaine d’année, à chacune de nos rencontres plus ou moins… hospitalières, son accueil me rebaptise :

– Bonjour. Alors, Hémoglobine Glyquée, vous êtes à combien ?

Je traduis l’entrée en matière par « Bonjour M. Hémoglobine Glyquet, comment allez-vous ? ».

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Confins d’humanité, de la résilience

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Maintenant que cette folle année touche à sa fin, que par deux fois déjà nos vie ont été mises en suspens je me rend compte que, s’il existe de nombreux mystères dans l’âme humaine, la résilience est probablement une des savonnettes après lesquelles nombre courent.

On s’intéresse à elle par intérêt, la désirant pour nous même ou les autres. Plus on cherche à la définir et moins on la comprend. Elle fuit perpétuellement, comme notre ombre à midi. La questionner est une démarche individuelle qui nous amène à nous confronter aux tréfonds « de notre âme » pour y trouver où se forgent nos intuitions et névroses.

Comment se changent-t-elles en résilience ? Et, comment la source d’une résilience peut devenir la plus pernicieuse compagne de route d’une vie ?

Et, surtout, combien de fois peut-on, en une vie…?

Paris, le 4 Février 2020

Je traverse le quartier de la Défense après une journée bien remplie. Il me reste encore 4 heures de trajet avant d’être chez moi 596km plus loin. Un vent d’Ouest balaie de ses soupirs la ville lumière et disperse de fébriles nébulosités colorées par le soleil couchant.

Je n’ai jamais vraiment aimé Paris, la froideur des bitumes, du béton. L’odeur aussi, surtout peut-être. Mais, à cet instant, le soleil couchant ses reflets entre une collection de façades miroirs rend cet endroit et son panorama magnifiques. Je n’imaginais alors pas que d’ici peu je ne pourrais y revenir.

Ni que je ne saurais pas quand je reverrais les quais de Seine.

Francfort, Juillet 1943

Avec les copains on a eu de la chance. Certains sont arrivés ici de leur propre chef, quelque uns plus rare, par la contrainte. Nous ne le réalisons pas alors mais nous sommes des veinards affectés aux imprimeries. Les cadences sont décentes. Du moins, elles ne sont pas pires que celles des ateliers d’imprimerie parisiens. Mais, ici au moins, les machines sont flambant neuves et des mécanos s’occupent parfaitement de leurs réglages. Cela m’épargne de passer mon temps à les rafistoler. Les baraquements sont décents, plus que ce qui existe en logement à Paris du fait des privations. Mais on se rend bien compte que, parmi nous, nul n’est rouge ou juif…

On ne réalise vraiment la chance que l’on a eue qu’après coup. Encore qu’il existe des hommes incapables de le reconnaitre.

Par orgueil et préjugés ?

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« MON VOYAGE AU PAYS DU DIABÈTE » : UN LIVRE-TÉMOIGNAGE

Mon Voyage au pays du diabète - CouvertureMédecin généraliste marié depuis 1971 à Janina, une de nos consœurs diabétique de type 1 depuis l’enfance, Jean Claude Dessenne invite ses lecteurs à l’accompagner dans son voyage au pays du diabète, une contrée qu’on imagine trop souvent comme plate et sans histoire, alors qu’il s’agit bien plutôt d’une région de montagnes russes glycémiques et émotionnelles.

Récit touchant et authentique de cinq décennies de vie commune, ce livre met utilement en perspective les poncifs et les illusions communément véhiculés sur le diabète : « ça se soigne très bien maintenant », « il suffit d’un peu de rigueur pour le stabiliser »… Il rappelle que, si le diabète de type 1 n’interdit ni le bonheur ni l’accomplissement, il reste une maladie grave, dont le traitement a finalement peu évolué en un siècle et qui bouleverse tous les aspects de la vie, même si les médecins comme le grand public n’en saisissent généralement que l’écume d’apparence inoffensive.

Ce témoignage précieux intéressera non seulement les diabétiques et leurs proches – qui auront le sentiment de rencontrer des compatriotes et de parler leur langue maternelle après une longue absence – mais aussi tous ceux qui, sans être personnellement concernés par cette maladie, sont néanmoins désireux de mieux la comprendre.

Le livre est disponible ici, en impression à la demande :

https://www.coollibri.com/bibliotheque-en-ligne/jean-claude-dessenne/mon-voyage-au-pays-du-diabete–copie_159242

Métaphore guerrière en temps de COVID

Bizarre cette métaphore guerrière. Elle ne me plaît pas. Je n’ai jamais connu la guerre, et il me semble que les conditions de vie y sont bien plus dures que ce que l’on vit ici.

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Pourtant la guerre est partout en médecine.  « La guerre est déclarée » affirme le film de Valérie Donzelli. « Je vais me battre contre la maladie » entend-t-on souvent. L’annonce diagnostique est une déclaration de guerre, chaque traitement une bataille… Et les effets secondaires des victimes collatérales ? « Le diabète est une lutte quotidienne… »

La première vague de Covid a pu être vécue comme une guerre.

La seconde arrive… Et la métaphore fonctionne encore.

Première guerre mondiale… Une certaine euphorie accompagne les soldats qui partent au front, fleur au fusil. Puis cette guerre devient une guerre statique, dan

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LA FRANCE A PEUR*

Je viens de lire ce texte magnifique et courageux de Céline Lis-Raoux, fondatrice et directrice de l’association Rose-Up. Il m’a semblé important de le relayer :

Avec le coronavirus, tout un pays découvre l’urgence de vivre

Céline Lis-Raoux montre ici avec brio comment la pandémie de Covid-19 ébranle (temporairement ?) le fantasme d’invulnérabilité qui habite d’ordinaire la psyché des bien-portants. Comment la crise actuelle met à nu les postulats idéologiques qui protègent habituellement ce fantasme contre « le principe de réalité » : conviction que la fragilité, loin d’être un attribut constitutif de notre commune humanité, serait l’apanage – voire de la faute – de quelques-uns (« C’est de naissance/génétique ? », « Il/Elle n’avait qu’à pas tant manger/boire/fumer ») ; foi exagérée dans les pouvoirs de la médecine, dont on s’abstient soigneusement d’aller examiner la réalité de trop près (« On a fait tellement de progrès », « Ça se soigne très bien maintenant ») ; croyance selon laquelle les « bons malades » s’en sortiraient, tandis que ceux dont l’état se dégrade en seraient largement responsables (« Elle ne s’est pas battue », « Il a fait n’importe quoi/n’a pas été observant ») ; dolorisme médical et culte de la résilience (« L’expérience de la maladie nous rend plus forts/meilleurs », « Le cancer/diabète/etc. m’a tellement appris/apporté »)…

À lire absolument !

* Selon un sondage IFOP du 27 mars 2020, 62% des Français craindraient désormais de mourir du Covid-19. Pour rappel, selon les estimations disponibles à ce jour, le taux de létalité du Covid-19 toutes populations confondues serait d’environ 2,5% (en réalité, sans doute moins). Voilà qui montre que le retentissement psychologique de l’exposition à un risque touchant la santé n’est guère corrélé à la probabilité statistique dudit risque.

Voilà qui suggère aussi, incidemment, qu’il doit y en avoir quelques-uns, parmi les petits Pangloss que nous avons croisés tout au long de notre carrière de malades chroniques, qui ont du mal, une fois directement concernés, à « relativiser » et à pratiquer l’optimisme comme ils nous l’enjoignaient hier encore. S’en souviendront-ils après cet épisode ? Cela serait sans conteste une bonne chose : nous verrons bien.

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2016 - Diabète et Méchant