Puisque rares, les rendez-vous avec le diabétologue sont précieux. Pas
question de louper ça et en général ça me rebooste bien pour un tour.
L’autre jour, comme d’habitude, j’arrive 15 minutes avant le rendez-vous
pour que l’infirmière procède au relevé de l’hémoglobine glyquée, à
l’extraction des données de la pompe et désormais à celles du capteur de
glycémie. 2 mouchards pour mieux appréhender le patient (et son mode de
vie qui peut susciter parfois quelques commentaires mais passons…).
L’appareil livre l’hémoglobine en 5 minutes, soit 300 secondes. En
général la machine est derrière moi, je n’ai donc pas la primeur de
l’information. Seul le petit bruit que je reconnais chaque fois comme
étant presque familier indique que ça cherche, ça inspecte, ça réfléchit
à partir de ma petite goutte de sang.
Pendant ce temps je pourrais penser à autre chose, je regarde le quart
de ramette de papier qui sort de l’imprimante et qui retrace les
dernières semaines de mon existence au regard d’un taux de sucre et d’un
nombre de glucides ingérés. C’est un point de vue !
Seuls les « blancs » seront remarqués par l’infirmière. Les trous, les
pages blanches, les pauses, les capteurs décollés, les nuits blanches,
les repas manqués, les repas sans « féculents », les oublis. Tout ce qui
représente moins de 5%, enfin je l’espère, de ces 90 journées révélées
dans leur intimité.
Je pourrais penser à autre chose.
Elle note également les arrêts temporaires, les modifications du débit
basal faites par moi-même (et oui madame, je fais parfois du sport, eh !) :
– « Faites attention tout de même, il faut les manier avec précaution ces
options, vous le savez ? »
Cela n’enlève nullement la jovialité de l’entretien, la patate et le
sourire de l’infirmière, une collègue passe par là et c’est parti :
considérations météorologiques de l’été (exceptionnelles pour la
Bretagne), court résumé de l’itinéraire des vacances, la rentrée des
enfants.
Je réponds aux éternelles et monotones questions : âge du diabète,
antécédents, marque de la pompe, type de cathéters, sites de pose, etc.
Ils en ont noté des réponses identiques depuis le temps.
Je pourrais penser à autre chose qu’au chiffre mystère du trimestre qui
est en train de confirmer ou d’infirmer mes estimations personnelles,
estimations souvent plus libres et rêveuses que celles du capteur…
Si, j’y arrive au moment où l’infirmière me met sous les yeux un relevé
qui l’intrigue, une vilaine courbe faite de hauts et de bas. Ce que j’ai
foutu le 19 août ??? Je ne sais pas, Madame… Et je crois bien que je
m’en fous. Et là je jubile en lui faisant remarquer qu’elle me
questionne à coup de crayon bic sur des bolus ou leur absence tout en
regardant le graphique du capteur. Véridique et sans exagération, je
vous le promets.
Un petit pfou de confusion achève les 5 minutes : la machine s’est
arrêtée, l’hémoglobine est prête !!! L’infirmière range le quart de
ramette imprimée dans le dossier, me rend mon matos, se lève (allllez),
se dirige vers la machine, arrache le ticket et met fin au suspense :
Elle : – 7% Madame.
Moi : – Rhâ ! Génial ! (intérieurement : putain ça se fête !!!)
Elle en mode dubitatif : – 7%… Vous faites souvent des hypos peut-être ?
Moi : – Euh, non, non pas plus que ça.
Elle : – Nan parce que souvent c’est lié vous savez.
Moi : – D’accord mais dans quelle proportion pensez-vous ? C’est-à-dire,
combien de temps, combien d’heures sur les 2160 concernées faudrait-il
être en hypoglycémie pour que cela influe notablement sur la moyenne ?
Elle : – Ah ça…
Moi : – Pensez-vous qu’avec 2% d’hypoglycémies dénoncées par ce capteur
libre, on puisse supposer qu’un résultat d’hémoglobine correcte est
faussement bon ?
Elle : – Ah ça… faudra voir avec le médecin.
Moi : – Toujours est-il que ce résultat me convient parfaitement et
représente une récompense à la tâche obnubilante de se soigner. Je suis
super contente de moi et sachez que c’est super dur de vous entendre
réagir immédiatement sur une explication négative après tous les efforts
fournis et l’impression de gagner des petites victoires chaque jour.
Elle : – Vous savez, vous êtes tellement nombreux, un coup quelqu’un
fait beaucoup d’hypos, un coup c’est pas le cas… Bref, c’est pas simple.
Moi : – Ah ça…
Moi : – Allez, pas grave, je m’y fais. Tenez, la dernière fois en bilan
j’étais à 6,7% et on a refait le prélèvement une deuxième fois pour être
sûr car personne n’y croyait, tout le monde était surpris (y compris
moi-même d’ailleurs). Cette suspicion m’avait fichu une sacrée claque.
La deuxième goutte de sang a dit 6,7%.
Moi : – Bonne fin de journée, à la prochaine.
Et j’ai enfin franchi la porte du bureau du diabétologue. Ouf,
soulagement !
Mais j’ai un nouveau sigle : PPVM, Petits Pics de Violence Médicale.
freyermuth
Et ce genre de comportement soignant ne va pas aller en s’arrangeant avec l’arrivée des IPA: Infirmiers en Pratique Avancée…
Le corre
Bonjour Hélène, je me trompes peut être mais ravi d’avoir de tes nouvelles
Alain
DREVILLON Piero
Je n’ai pas de mots…je vois la scène! c’est génial, tu as une façon de la raconter!! je continue sur le site!! un ENORME bisou!!! Tu dis intérieurement ça se fête!! moi je …franchement me fends la poire!!!!