Le traitement des diabètes est un marché lucratif. Les écarts de prix concernant les médicaments de première intention, tels que les insulines mais aussi la Metformine et quelques autres pour les types 2 en sont le reflet. Et cela reste, malheureusement, une cause de souffrance et décès pour nombre de diabétiques de par le monde.
Pour peu que l’on soit sensible à la question, ou intéressé par celle-ci, on entend régulièrement parler des affrontement et prises de position des trois grands producteurs d’insuline que sont Eli Lilly, Novo Nordisk et Sanofi. Parfois, même, nous avons tendance à penser que seulement ces trois-là existent.
Je propose ici de vous montrer que, non seulement, il existe d’autres producteurs d’insuline méconnus de l’occident, Mais, qu’en plus, une guerre concernant au premier chef la R&D d’insuline innovante a lieu en ce moment même et depuis plusieurs années.
Le point de départ fut un rendez-vous, il y’a plus d’un an, chez mon endocrinologue. Et une phrase innocente, en apparence, lorsqu’il me dit « Lilly travaille sur une insuline encore plus rapide (que la FIASP) ». À ce moment là je me suis dit « Ah bon ? Allons voir ce que c’est. Et ce qui en est dit ».
La suite est digne d’un épisode de Dallas. Une histoire d’amours, de trahisons, de bons sentiments dévoyés avec retournements, volte-faces et guerre d’avocats digne d’House of cards.
Histoire qui attend un happy-end ou End tout court pour que, enfin, tout ce joyeux remue-ménage dignes des lupanars les plus animés permette aux patients diabétiques de mieux vivre.
Je soupçonne aussi, en filigrane, une opposition entre des modèles économiques très différents. Et, pour revenir à un aspect plus story-telling, un combat de David contre Goliath.
Prêt.e ?
Tout commence il y a longtemps avec un homme nommé Gérard Soula, fondateur de Flamel Technologies outre-atlantique. En 2005, en France à Lyon il fonde, avec ses deux fils, la société ADOCIA (S.A. cotée à Paris, 130 salariés). Le but est de développer et valoriser le concept (devenu produit entre temps) BioChaperone® (1).
De l’histoire de cette Biotech, de sa fondation en 2005 jusqu’en 2011, nous trouverons peu d’échos sur la toile. Mais, en 2011, on peut trouver la trace sur divers sites/forums de boursicoteurs qu’ADOCIA a alors exprimé le choix d’employer la technologie BioChaperone® pour développer une insuline ultra-rapide (voir 2 – oui c’est de l’archéologie en terrain obscur).
À partir de ce moment-là une danse étonnante, belle et peut-être macabre se met en route.
ADOCIA ne produit pas d’insuline et cherche à conclure un partenariat (« un contrat de licence » précisément qui fixe le partage du financement de la R&D et le partage du bénéfice – éventuel – de l’innovation. Le détenteur de la licence disposera du droit d’utiliser le brevet d’ADOCIA selon les termes défini dans cet accord) avec un « grand ». Novo travaille déjà sur sa future FIASP, SANOFI n’a pas eu de bonnes expériences avec sa rapide Apidra. C’est donc avec Eli Lilly qu’ADOCIA élabore un partenariat dans les termes duquel la biotech développe la formulation BioChaperone® + LISPRO. Et Lilly la produira et distribuera.
Un point technique s’impose ici : BioChaperone® est un procédé/concept mettant en œuvre une famille de protéines et une galénique pour accélérer et contrôler la libération d’un produit injectable. Contrairement à la FIASP qui utilise une molécule « naturelle » (niacinamide – vitamine B3) pour favoriser la dispersion de l’insuline, il s’agit d’une protéine spécifiquement conçue et préparée pour se fixer à l’insuline, accélérer son transport depuis le site d’injection tout en garantissant sa stabilité en stockage. ADOCIA dispose déjà, à ce moment-là, des brevets sur ce concept/procédé sur un plan « générique » (le concept). Cependant, il faut adapter le procédé – la protéine BioChaperone – et élaborer une formation qui soit spécifiquement adaptée à l’insuline analogue LISPRO. L’objet du partenariat réside ici.
1) Revirement de situation
L’année 2013 voit l’avènement d’un revirement de situation. En effet, Eli Lilly retourne sa veste et rompt le partenariat renonçant ainsi à l’accès (pour Lilly) à la technologie BioChaperone® comme le décrit le communiqué de presse (3). Une recherche sur le site de Lilly montre qu’aucune référence (15) dans les communiqués ne fait plus mention de cette rupture. Ainsi que des suivantes…
Cependant, ADOCIA ne renonce pas et maintient les essais cliniques prévus pour la BioChaperone® LISPRO et l’HinsBet® (insuline humaine et BioChaperone®, elle conduirait à un profil d’action plus rapide que la LISPRO seule, un coup de production moindre et permettrait d’élaborer des concentrations supérieures à 200 u/ml). Cela est possible car ADOCIA dispose des fonds nécessaires, autrement cela aurait été « une » fin. J’ai sans doute l’esprit mal placé mais en cas de liquidation les brevets, sauf erreur de ma part, sont vendus comme tous les actifs de l’entreprise.
L’année qui suit, ADOCIA présente les résultats de ses études à la 74ième Session Scientifiques de l’American Diabetes Association (ADA) (15/06/2014 : le poster a été perdu dans les arcanes de la toile).
Au passage le cours de l’action (EURONEXT) d’ADOCIA a perdu plus de la moitié de sa valeur du fait de ce retrait, elle n’est jamais remontée aussi haut depuis. Il est difficile de savoir si la présentation à l’ADA a été mitigée au point de motiver le retrait. Cependant la suite ne plaide pas en faveur de cette hypothèse (semble t’il).
2) Second mouvement, je t’aime moi non plus.
Fin 2014, à la demande d’Eli Lilly probablement, la collaboration reprend sur la base d’un nouvel accord. Je n’ai pas trouvé les chiffres du premier (les archive d’ADOCIA en ligne ne remontent pas avant 2014). Mais ceux du second sont éloquents (voir 4). Et tous, à l’époque, s’accordent pour dire que cela va lancer ADOCIA. Existe-t-il un lien avec les présentations d’ADOCIA à l’ADA et la capacité de cette PME de réussir à réaliser sur fond propre des essais cliniques ? Chose exceptionnelle pour une entreprise de taille aussi modeste quand on sait que le fondateur et ses deux fils détiennent (2019) 22 % du capital et 31 % des droits de vote et que l’entreprise ne compte jamais que 130 employés dont la majorité en France (en 2019).
Voir le communiqué d’ADOCIA (4) et commentaires de la presse locale (5) et d’investissement (6).
Notons que le journaliste souligne que le « va et vient » d’Eli Lilly est un « un cas unique au monde ».
En revanche, il faut souligner que cet accord est tiré au forceps et comporte des closes rigides détaillées dans le communiqué de presse plus haut dont voici un extrait :
« Selon les modalités de l’entente, Lilly sera responsable des futurs développements, production et commercialisation de BioChaperone Lispro. L’ensemble des paiements (initial et d’étapes) pourrait atteindre 570 millions de dollars; Adocia recevra un paiement initial total de 50 millions de dollars, ainsi que des paiements potentiels d’étape pouvant atteindre 280 millions de dollars si le produit atteint certains jalons de développement clinique et réglementaires, et jusqu’à 240 millions de dollars supplémentaires s’il atteint certains objectifs de vente. Adocia recevra également des royalties à des taux progressifs sur les ventes. Lilly remboursera Adocia de certaines dépenses de recherche et développement pendant la durée du contrat. Une formulation concentrée de BioChaperone Lispro fait aussi partie de l’accord »
Autrement dit, Lilly aura la majeure partie des bénéfices de l’application de la technologie BioChaperone® appliquée à l’insuline. Et ADOCIA doit alors renoncer à travailler seule sur ce sujet (voir fin du communiqué : « Adocia conserve le droit de développer et de licencier ses programmes à base d’insuline non liés à l’insuline prandiale à action ultra-rapide. »). Notons que les bénéfices liés à la propriété industrielle sont conditionnés par Eli Lilly à un volume de ventes (information non publique apparemment).
En Juin 2015, Adocia et Lilly annoncent des résultats positifs de phase 1b (voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Essai_clinique#Phase_I) pour la BioChaperone Lispro chez des diabétiques de type 1. Tout semble, alors, aller pour le mieux. Ces essais se poursuivent en Août et Septembre.
En Mai 2016, Adocia dépose des brevets portant sur BioChaperone Combo (un pré-mix Lispro+Glargine voir 16). Est-ce le point de départ de l’incendie qui va suivre ? Possible…
Pour l’heure les choses semblent suivre leur cours, des essais aux résultats positifs continuent d’être menés en partenariat avec Eli Lilly. Des résultats sont présentés à l’ADA. En Août 2016, Adocia lance un nouveau projet concernant les types 1 : BioChaperone Glucagon permettant l’élaboration d’un Glucagon en ampoule/style pré solubilisé et plus facile d’emploi. Ce Glucagon est un élément essentiel et alors manquant pour la conception de pompes « bi-hormonales » pouvant injecter aussi bien Insuline que Glucagon (les deux devant être aussi rapides que possible).
En Décembre 2016, quasiment pour Noël, Adocia et Eli Lilly annoncent conjointement le succès d’une étude évaluant la BioChaperone Lispro (dont le communiqué n’est plus disponible en ligne).
3) L’adage le dit bien : jamais deux sans trois…
Le 27 Janvier 2017, Eli Lilly rompt la collaboration comme l’annonce le communiqué (7) dont voici un extrait :
« Nous sommes très déçus et surpris de la décision de Lilly de ne pas poursuivre le développement clinique de notre produit qui a démontré une amélioration significative en termes de performance par rapport à Humalog® dans 6 études cliniques. A ce stade de développement, nous sommes convaincus que BC Lispro peut améliorer la vie des personnes souffrant de diabète et Adocia va continuer à préparer l’entrée en études cliniques de phase 3 tout en cherchant un nouveau partenaire. » commente Gérard Soula, Président et Directeur Général.
La presse se montre assez perplexe (en anglais), en effet les formulations développées correspondent à un besoin identifié et les essais menés jusque-là donnaient des résultats positifs (8).
4) La guerre est déclarée
Vous vous souvenez du point de départ de mon exercice d’archéologie ? Mon endocrinologue me disant qu’Eli Lilly allait fabriquer une insuline encore plus rapide ? Venons-en au fait.
En Octobre 2017, Adocia lance une demande d’arbitrage contre Eli Lilly. Souvenez-vous, l’entreprise fondée par un père et ses deux fils, fort de 130 salariés s’engage en procédure contre le géant pharmaceutique en 2017.
Une seconde demande est déposée en Février 2018 dont voici le résumé : « Adocia réclame plus de 200 millions de dollars de dommages et intérêts à Lilly au titre du détournement et de l’utilisation abusive par Lilly d’informations confidentielles et de découvertes appartenant à Adocia, ainsi qu’au titre de la violation d’accords de développement et de confidentialité ».
Bien qu’aucune information, ou presque, ne fuite, l’intitulé nous renseigne sur la situation. Si nous reprenons la danse depuis son début on peut voir qu’Adocia a réalisé la majeure partie de la R&D sur BioChaperone LISPRO l’insuline ultra-rapide. Eli Lilly a dit oui, puis non, puis oui, puis non… Et si Adocia attaque c’est que Eli Lilly, s’il renonce à la collaboration, ne veut pas renoncer pour autant à la technologie alors que le bénéfice de celle-ci est encadré par le partenariat qu’il vient de rompre. Et alors que, d’un autre côté, Adocia a breveté y compris aux U.S.A. la technologie BioChaperone appliquée à l’insuline et à des formulations mixtes (BioChaperone Combo).
En résumé, Eli Lilly a (très probablement) continué à utiliser les découvertes d’ADOCIA après la rupture du partenariat. Plus fort, Eli Lilly a communiqué auprès des professionnels de santé en omettant de dire que… Ce n’est pas eux qui ont développé la nouvelle insuline (source : service d’endocrinologie de Tulle).
En Août 2018, Adocia gagne un premier arbitrage contre Lilly (9). Une seconde phase est en cours et ne sera conclue qu’au cours de l’année 2019 (10). Dans cette seconde phase, on passe du million au milliard de $.
Rien que ça…
En Octobre 2018, Lilly lance une procédure civile contre Adocia (11).
Dans tous les cas on constate que l’objet du combat est la propriété intellectuelle de la technologie BioChaperone appliquée à l’insuline (l’analogue Lispro en particulier).
5) Changement de partenaire. Ce dont on n’avait jamais entendu parler
Le problème pour Adocia est double, voir triple, en 2018 :
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D’une part juridique et financier vis-à-vis d’Eli Lilly,
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D’autre part pour continuer à travailler, les essais avançant, il leur faut un fournisseur d’insuline Lispro et humaine. Et comme cela est le cas dans les essais cliniques, plus on avance, plus les essais nécessitent de produit actif et sont onéreux. D’où un besoin d’insuline et de capitaux,
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Adocia n’a jamais envisagé de commercialiser par elle-même les insulines BioChaperone et elle ne dispose pas d’unité de production à une échelle industrielle ni n’envisage – apparemment – de le faire. Il serait sans doute complexe, à ce moment-là, de convaincre les investisseurs de l’intérêt d’un tel investissement alors que la BioTech est dans la tempête face à Lilly.
Pour résoudre cette situation un partenariat est signé avec un laboratoire chinois. Nous n’en avons jamais entendu parler. Mais, pourtant, c’est le principal producteur d’insuline en Chine – un marché intérieur plus important que l’Europe et les U.S.A réunis. Comme souvent le monde de l’empire du Milieu échappe totalement à nos radars. Il s’agit de Tonghua Dongbao Pharmaceuticals (si vous cherchez des informations cherchez à DongBao, Tonghua est une ville où est située l’entreprise. Cela est souvent le cas pour la nomenclature de firmes chinoises. Voir (12).
Et l’insuline Lispro est depuis longtemps dans le domaine public, même si aucun « biosimilaire » (générique) n’est vendu en occident.
L’accord de licence se présente dans les termes suivants. On notera clairement une différence avec l’extrait (voir plus haut) du défunt accord passé avec Eli Lilly :
« Selon les modalités des Accords de License, Tonghua Dongbao sera responsable des futurs développements, production et commercialisation de BioChaperone Combo et BioChaperone Lispro en Chine et dans certains autres pays. Adocia recevra un paiement initial total de 50 millions de dollars, dont 40 millions de dollars pour BioChaperone Combo et 10 millions de dollars pour BioChaperone Lispro. De plus, Adocia est éligible à recevoir des paiements d’étape pouvant atteindre 85 millions de dollars, dont 50 millions de dollars pour BioChaperone Combo et 35 millions de dollars pour BioChaperone Lispro. Enfin, Adocia pourrait recevoir des royalties à deux chiffres sur les ventes de ces deux produits sur les territoires concernés. Tonghua Dongbao remboursera Adocia de certaines dépenses de recherche et développement pendant la durée du contrat. Adocia conserve les droits de développer et de licencier ses programmes insuline au niveau mondial dans tous les territoires non couverts par les présents accords, notamment aux Etats-Unis, en Europe et au Japon. Adocia reste responsable du développement et de la fabrication des excipients pharmaceutiques BioChaperone®. »
Voir le communiqué (13).
Au-delà de la question du diabète j’attire votre attention sur la différence de formulation et le fait que ce partenariat est, tel que décrit ici, bien plus intéressant à long terme pour Adocia mais aussi bien moins contraignant et présentant un risque juridique moindre pour les deux partenaires.
Cet accord et suivi d’un second accord qui, peut-être, nous fera assister à une petite révolution dans le monde de la production d’insuline. En voici un extrait diffusé dans nu communiqué de presse :
« Nous sommes très heureux de renforcer notre alliance stratégique avec Tonghua Dongbao en concluant des accords d’approvisionnement globaux en insulines lispro et glargine. Ces accords nous donnent la pleine maîtrise, en dehors de la Chine, de la suite du développement de BioChaperone Lispro, notre insuline ultra-rapide, et de BioChaperone Combo, notre combinaison d’insulines glargine et lispro » a déclaré Gérard Soula, président directeur général d’Adocia. «Ces accords ouvrent également d’autres opportunités de collaborer avec des sociétés biopharmaceutiques du domaine du diabète qui ne disposent pas de capacité de production d’insuline ainsi qu’avec des sociétés de dispositifs médicaux qui intègrent les synergies entre médicaments innovants, dispositifs et systèmes de gestion des soins. »
Notons que le partenariat entre Adocia et Dongbao intervient alors que les deux entreprises sont l’une et l’autre à un stade critique de leur développement. En effet le laboratoire chinois finalise des essais pour la vente d’analogue d’insuline (Lispro et Glargine) en Chine tandis que des procédures d’approbation sont en cours pour le marché européen :
« La haute qualité des insulines de Tonghua Dongbao, leurs installations de pointe et leur grande capacité de production ont été des éléments clés dans notre décision d’étendre notre collaboration par ces accords d’approvisionnement », a commenté Olivier Soula, directeur général délégué et directeur de la R&D d’Adocia. « Les deux Sociétés ont défini un plan précis en vue de l’approbation de ces insulines par les autorités des marchés réglementés et sont très confiantes dans le succès de son implémentation. Sécuriser l’approvisionnement en insuline lispro est également un jalon important vers le développement en Phase 3 de BioChaperone Lispro. »
Ce dernier accord permet, début 2019, à ADOCIA de fournir en insuline BioChaperone Lispro…un laboratoire états-unien (14) pour des essais sur un pancréas artificiel (pompe en boucle fermée avec apprentissage automatique mais bi-hormone : insuline + glucagon).
Bon, d’accord, mais maintenant ?
Maintenant, en Europe comme outre-Atlantique la seule et unique insuline ultra-rapide est la FIASP. Elle a un profil souvent trop court pour beaucoup de personnes (mais pas toutes). Elle présente des effets secondaires (réaction cutanée au site d’infusion, instabilités glycémiques difficile à anticiper et contrôler) dans son usage en pompe. La possibilité de disposer d’une insuline ultra-rapide employant une approche totalement différente permettrait de disposer d’une alternative pour les personnes chez qui la FIASP présente ces défauts (notamment moi qui l’utilise en combinaison avec la Lispro soit deux injections par repas).
Les chiffres annoncés dans la procédure d’arbitrage (1,8 milliards de $ demandé par Adocia contre Lilly, ce chiffre est celui demandé mais ne sera pas celui obtenu qui sera inférieur – normalement) donne la mesure de ce que représente le développement d’une nouvelle formulation d’insuline. Les sommes mises en jeu dans les différents accords successifs donnent une idée des coûts (le total Lilly + Dongbao doit arriver à 50 + 50 + 10 Million de $ soit 110 à 120 Millions d’€ investis).
Mais, surtout, maintenant la question qui fâche : heureux ou malheureux ?
Heureux, je crois que nous pouvons l’être du fait de l’émergence possible, probable (?) d’un nouvel acteur sur ce marché. En soi, c’est certainement une bonne chose. Mais à condition que l’arrivée de ce nouvel acteur ne soit pas ralentie et complexifiée par les lobbys des trois grands, Eli Lilly et Sanofi en première place (Dongbao fabricant de la Glargine pour Adocia pour le marché européen).
Malheureux je crains que nous le soyons puisque les seuls bénéficiaires de ces innovations depuis, excusez du peu, 8 ans, ce sont les avocats d’affaires.
Malheureux aussi parce qu’avec la guerre, initiée par Eli Lilly, un retard important est pris quant à la mise à disposition de ces insulines ultra-rapides. Retard qui risquera d’être d’autant plus important que, pour que la mise sur le marché ait lieu en Europe ou aux Amériques, il faudra que Dongbao parvienne à convaincre chacune des autorités de santé (dont la FDA États-Unienne enclin à défendre ses champions nationaux).
Pendant ce temps des millions de malades ne disposent pas d’une avancée. Pourtant existante et presque finalisée en termes d’essais. Mais, si nous devons être en colère, c’est qu’en plus, ces mêmes malades mais cette fois pas seulement diabétiques de types 1 ou 2 vont devoir payer de leurs poches les frais de guerre engagés par Eli Lilly. Le raisonnement est simple : un laboratoire gagne en vendant des médicaments. Le prix de vente doit couvrir la production, certes, mais aussi la R&D, la communication, le lobbying, ect… Et, le cas échéant, quelque frais de justice.
Il n’en reste pas moins la surprise qui, espérons-le malgré les embûches, saura rester éthique et apportera bientôt un bénéfice réel aux malades. Cette surprise c’est qu’une « boîte » de 130 employés soit en train de réussir à faire ce que j’ai relaté plus haut alors que les trois gros n’y parviennent pas ou plus seuls. L’autre surprise c’est que, de façon assez intéressante, Adocia est un cas particulier. Généralement les Biotech vendent leur brevets, idées et, parfois, disparaissent ensuite. Ici on a une entreprise qui, voulant au départ viser plus large que le diabète, se retrouve à développer la majorité de ses formulations et brevets pour le traitement des diabètes. Mais, en plus, elle continue et semble partie pour poursuivre au-delà de la dernière phase d’essai en collaboration avec ce qui, possiblement, deviendra bientôt le quatrième fournisseur d’insuline au monde (directement en Asie et par le biais de l’entreprise lyonnaise en Europe et ailleurs).
Toutefois si nous devions exprimer notre perplexité elle ne se compterait pas en million ou milliard de $-€-£. Non elle s’exprimerait en temps. Combien de temps perdu ?
Car, ici, depuis huit ans seules deux choses ont eu lieu : des essais cliniques jusqu’ici fructueux et aux résultats encourageants. Et une guerre pour le contrôle, la détention et la propriété-usufruit de la technologie BioChaperone appliquée à l’insuline. Une Holy Economic War où ce n’est pas le ratio bénéfices/risques pour le patient qui compte mais le ratio (sommes pouvant être gagnées sur le marché)/(sommes engagées dans la bataille pour faire plier l’autre).
Heureusement que James Collip et F. Banting n’ont pas eu à danser avec des avocats ou jouer au chat et à la souris avec des businessman affamés. Autrement L. Thomson serait mort et des milliers après lui.
Mise à jour (26/08/2019)
La procédure d’arbitrage lancée par ADOCIA contre Eli Lilly a été déboutée le 23/08/2019 (17) :
« Nous sommes extrêmement surpris et déçus par la décision du Tribunal, qui a rejeté nos demandes. Cependant, nous pensons qu’il était de notre responsabilité de défendre les droits de notre Société et de ses actionnaires. » a commenté Gérard Soula, Président Directeur Général d’Adocia. « Nous restons confiants dans la valeur de notre solide portefeuille de produits. Notre situation financière est stable, et bénéficiera du montant qui nous a été attribué lors de la première phase de l’arbitrage. Elle nous permet de poursuivre le développement de nos produits, y compris ceux en collaboration avec notre partenaire Tonghua Dongbao. »
Il est probable que cela soit à mettre en perspective avec des mouvement de fond plus profond concernant la stratégie et le management des plus grand laboratoire à l’heure actuelle avec une tendance à sous-traiter la R&D et se désengager de plus en plus de celle-ci (l’exemple français le plus criant et indignant étant SANOFI).
Coté Eli Lilly nous pouvons aussi trouver un communiqué (18) sur la question. Je rappelle que, jusqu’ici, tous les essais se sont montré concluant pour la BioChaperone Lispro. Aussi je vous laisse apprécier les éléments de langage :
« « We’re pleased with the panel’s decision, » said Michael J. Harrington, Lilly’s senior vice president and general counsel. « Lilly conducts its business with integrity. We look forward to putting this matter behind us and focusing on the important work of discovering and developing new treatments for people living with diabetes. »
Lilly and Adocia signed a collaboration agreement in December 2014. Lilly terminated the agreement and discontinued future development, manufacturing, and commercialization related to the program in January 2017 »
(« Nous sommes satisfaits de la décision du tribunal, a déclaré Michael J. Harrington, vice-président principal et avocat général de Lilly. « Lilly mène ses affaires avec intégrité. Nous avons hâte de mettre cette question derrière nous et de nous concentrer sur l’important travail de découverte et de développement de nouveaux traitements pour les personnes vivant avec le diabète.»
En septembre 2019 ADOCIA obtiens un arbitrage mettant fin au « différent » l’opposant à Eli Lilly. Cet arbitrage implique le versement par Eli Lilly de 14,3 millions de dollars. Notons le caractère assez aseptique de la communication sur le sujet (19):
« Adocia annonce, d’une part, l’encaissement de 14,3 millions de dollars de la part de Eli Lilly suite à la conclusion de l’arbitrage et, d’autre part,la décision d’un commun accord avec Eli Lilly de clore la procédure civile »
Coté Eli Lilly c’est encore plus court (20) :
«« We’re pleased with the panel’s decision, » (…) « Lilly conducts its business with integrity. We look forward to putting this matter behind us and focusing on the important work of discovering and developing new treatments for people living with diabetes.
Lilly and Adocia signed a collaboration agreement in December 2014. Lilly terminated the agreement and discontinued future development, manufacturing, and commercialization related to the program in January 2017.»
La dernière partie de ce court communiqué de presse peut se traduire ainsi : « Lilly et Adocia ont signé un accord de collaboration en décembre 2014. Lilly a mis fin à l’entente et a mis fin au développement, à la fabrication et à la commercialisation futurs liés au programme en janvier 2017. »
Point…
Bon, du coup, où en est-on de cette fichue insuline ultra véloce ?
En Juillet 2020 ADOCIA publie un communiqué de presse (21) concernant le lancement d’une « étude de comparative BioChaperone® Lispro validant l’insuline Lispro de THDB pour les Phases 3 de BC Lispro en Europe et aux Etats-Unis » (THDB = Tonghua Dongbao).
« Nous sommes heureux d’obtenir l’approbation de la BfArM en Allemagne et de la FDA aux Etats-Unis, qui marque le début de l’étude clinique requise avant la Phase 3» commente Olivier Soula, Directeur général délégué d’Adocia. «Nous remercions l’équipe de Tonghua Dongbao pour son travail impressionnant qui marque une étape importante en vue de délivrer ce produit aux patients du monde entier » ».
Cet essai, préalable aux essais de phase 3 aux Etats Unis et en Europe (UE sera réalisé en Allemagne sur 28 patients diabétiques de type 1,coordonné par Profil, un « CRO allemand à services complets, spécialisé dans le diabète et l’obésité » (si vous vous demander ce qu’est un CRO voir (25)).
Notons ici que cet essai vise, non pas à démontrer un bénéfice thérapeutique mais simplement à montrer que la Lispro fabriquer par Dongbao, associée à la même protéine BioChaperone, se comportera comme… La même chose élaborée avec la Lispro d’Eli Lilly. La « Vrai » quoi… Il s’agit là de tout la problématique et enjeu de la notion de « biosimilaire » versus « générique ».
Alors, euh ? Franchement je serais heureux que ces gens là en fasse autant pour de l’Ibuprofène ou Paracétamol. Pourquoi n’a-t-on pas un essai de phase 2 puis 3 pour une nouvelle formulation quand le « Major » change de fournisseur pour un obscur laboratoire à l’autre bout du monde ? Comment ça ce n’est pas poli ce que j’écris ? Toutes mes excuses je suis hypo, fichue FIASP aussi…
Et pendant ce temps…
ADOCIA travail sur un pré-mix qui ne contient pas que de l’insuline et pourrait être bénéfique pour le traitement des deux (principaux) type de diabètes. Assez difficile de s’en faire une idée. Car, en effet, l’idée est pour le moins technique mais n’en demeure pas moins intéressante car innovante. Le point de départ de la réflexion étant que les îlots béta ne produisent pas que de l’insuline il pourrait donc être intéressant de « pré-mixé » les insulines rapides avec ces autres hormones que les îlôts béta produisent, d’autant que certaines semblent avoir un effet sur la vitesse d’absorption des glucides et donc sur le pic post-prandial.
Le concept est explicité ici (grand publique) : https://www.adocia.com/fr/produits/m1pram/
Essais clinique et résultats préliminaires (toujours en Allemagne) sont détaillés dans (23) et (24).
Les droits de licence concédés sont basés sur les demandes de brevets et brevets des familles F03, F21, F43 et F44.
Adocia est le promoteur de cette étude, qui est réalisée par Profil Neuss en Allemagne. Cet essai (EudraCT 2015-004829-13) est enregistré et apparaît sur clinicaltrials.gov.
Par courrier daté du 26 janvier 2017, Eli Lilly a annoncé sa décision de mettre fin audit contrat de licence de 2014, en conséquence de quoi Adocia reprend sans frais la pleine propriété des droits qui avaient été licenciés (Cf communiqué de presse Adocia du 27 janvier 2017).
Ceci n’est pas une citation mais réflexion.Il faut souligner que l’approche consistant à employer une galiénique agissant sur le milieu sous-cutané pose problème pour l’utilisation en pompe où le phénomène « d’infusion » est prédominant.Acctuellement seule la FIASP semble, pour certain et certaine et seulement pour elles et eux, apportées un « plus » en pompe.
Dans mon cas la FIASP en pompe ne valais pas mieux (même cinétique) que la NovoRapid ou Humalog… En plus instable.
En juin 2018, Tonghua Dongbao Pharmaceuticals Co. Ltd a également convenu de produire et d’approvisionner
Adocia en ingrédients pharmaceutiques insuline lispro et en insuline glargine dans le monde entier, à l’exception
de la Chine, pour soutenir le développement du portefeuille d’Adocia sur ces territoires. Cet accord donne à Adocia
la pleine maîtrise de la suite du développement du programmes BioChaperone Lispro. Il ouvre également d’autres
opportunités de collaborer avec des sociétés biopharmaceutiques du domaine du diabète qui ne disposent pas de
capacité de production d’insuline ainsi qu’avec des sociétés de dispositifs médicaux qui intègrent les synergies entre
médicaments innovants, dispositifs et systèmes de gestion des soins.
Il est précisé que l’ensemble des procédures juridiques contre la société Eli Lilly, les deux procédures d’arbitrages
lancées par Adocia et la procédure en action civile lancée par la société Eli Lilly, se sont terminées au cours de
l’exercice 2019 (voir la section 1.3.7 du présent document d’enregistrement universel).
partenaire Tonghua Dongbao »)
En 2017, simultanément à l’arrêt de la collaboration avec Adocia, Eli Lilly a annoncé avoir développé en interne un
projet d’insuline ultra-rapide concurrent, LY900014 (insuline lispro formulée avec du treprostinil et du citrate, entre
autres excipients). En juin 2020, Eli Lilly a ainsi lancé Lyumjev® qui présente des profils pharmacocinétiques et
pharmacodynamiques plus rapides que ceux d’Humalog (insuline lispro) dans les premières minutes suivant l’injection.
Néanmoins, Lilly n’a pas démontré un effet « fast-out/fast-off » plus rapide que l’insuline lispro, contrairement à
BioChaperone Lispro. Dans l’essai de Phase 3, Lyumjev a satisfait au critère de non-infériorité pour la réduction
d’hémoglobine glyquée (HbA1c) par rapport à Humalog et a démontré un meilleur contrôle du glucose après un repas.
Or cela est souhaitable en ce qui concerne les pompes, notamment en « boucle-fermée » : en effet cela augmenterait l’efficacité d’un débit réduit ou nul pour corriger une hypoglycémie.
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https://www.adocia.com/fr/technologie/technologie-biochaperone/
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https://www.boursorama.com/bourse/forum/IPO-ADOCIA/detail/415237485/
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https://www.adocia.com/wp-content/uploads/2013/10/130729_Communique_de_Presse_Adocia_Lilly_Insulin_VF_VDA.pdf
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https://www.adocia.com/wp-content/uploads/2014/12/141218_Lilly_Adocia_Partnership_FR_VF_RSO.pdf
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https://tribunedelyon.fr/2015/01/08/comment-adocia-a-conclu-le-contrat-du-siecle/
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