Je me présente, je m’appelle Elodie, Elo’ pour les intimes.
J’ai 26 ans, j’avais 9 ans quand on a découvert que j’étais diabétique, voilà comment cela s’est passé :
Alors que j’étais chez moi en train de me brosser les dents, je vois de la lumière verte (des martiens ? non je ne pense pas) après le trou noir, je me réveille et je suis dans mon lit (est-ce mes amis martiens qui m’ont télé-transportée ? mystère !!!), après cet évènement et d’autres facteurs (amaigrissement, acétone, soif H24…) ma mère décide que j’aille voir un médecin.
Quelques jours passent et nous voilà en famille dans le cabinet du pédiatre, j’aimais bien y aller je lisais les magazines pour enfants et je jouais avec un cheval bleu dans lequel je m’y mettais et je devenais qui je voulais ça passait de la cowgirl, à la super héroïne, à la motarde… Hey mais qui me casse dans mon jeu ? Ah c’est la secrétaire médicale pour nous dire que c’était notre tour.
Me voilà devant le médecin qui après m’avoir auscultée déduit que tout est normal, mais ma mère, avait été faire sa petite recherche et n’était pas satisfaite du résultat que m’avait prescrit le docteur donc réclame une prise de sang (ma 1ère prise de sang yeaaaaah !!!!!).
Me voilà dans le laboratoire avec de gentilles femmes en blouses blanches alors je me dis que ça ne doit pas faire mal vu comment elles sont si adorables ! Je m’assois je tends mon bras (« oh comme elle est jolie ta veine ma petite » j’étais fière de moi quand elle m’avait dit ça) et oh tiens du sang oh tiens je vais tomber dans les pommes oh tiens mes amis martiens sont de retour mais pour aller mieux, mes parents m’ont acheté un pain au chocolat (mmmmh que c’est bon, s’ils veulent me prendre du sang je ne dirais pas non contre un croissant cette fois).
Et nous voilà attendons l’heure des résultats mes parents paraissent plus angoissés que moi (en même temps à 9 ans à quoi peut-on s’attendre ?).
Ah revoilà mes traîtres d’infirmières qui m’accueillent avec une sucette (bon elles se sont rattrapées) hum au citron c’est bon !!!!! Mais pourquoi une autre dame en blouse blanche que je n’avais pas vue vient m’arracher ma friandise ??? Ne soit pas jalouse j’aurais pu t’en acheter une mais tu n’étais pas obligée de me prendre la mienne !? Mes parents parlent avec ma voleuse et nous voici en train de courir car je dois préparer quelques affaires (on part en vacances ? Je ne savais pas, pourtant on n’est qu’en Mars !?) mais pourquoi juste mon sac je ne comprends pas que se passe-t-il ??? Bon ben si je suis toute seule je prends mon doudou et de la lecture (on ne sait jamais je peux m’ennuyer).
À peine dans la voiture je vois mes parents pas très bien, ils sont peut-être tristes que je parte seule, non ? J’ai envie de pleurer mais je préfère garder mes larmes pour moi. Quelques minutes après nous voici devant un grand immeuble blanc appelé « hôpital Robert Debré », pour un endroit de vacances il y a plus joyeux comme nom et nous nous retrouvons devant d’autres femmes blanches (encore mais qu’ai-je fait pour mériter ça ?).
Une gentille infirmière, qui se baladait en roller, vient me voir et me raconte une histoire, j’ai compris qu’elle parlait de moi et qu’à partir de maintenant j’aurai des piqûres à faire plusieurs fois par jour et voilà à partir de mes 9 ans je suis officiellement « diabétique de type 1 » !!! Bon ben mes vacances sont ratées.
Je m’amusais bien à l’hôpital, je voulais plus rentrer car je m’étais fait des amis, et puis j’avais peur, je ne craignais pas de me retrouver seule face à mon diabète mais face à la réaction de mes parents car je savais qu’ils allaient angoisser.
Les premières années n’ont pas été difficiles, je n’emploierais pas ce mot mais je dirais plutôt, sont à oublier car d’une part pendant un petit laps de temps, j’ai été mise en quarantaine de la part de certains de mes camarades qui pensaient que j’avais une maladie virale ce qui à bien y réfléchir ne me dérangeait pas car ce sont des idiots (lol) mais ce qui pour moi serait à oublier est la réaction de mes parents car j’avais l’impression qu’au fond d’eux ils étaient diabétiques à ma place et je les voyais peinés car ils pensaient que je souffrais, alors que non, j’ai reçu mon premier ordinateur alors que j’avais que 9 ans, que demander de plus 🙂 ?
Et voilà comment au bout de ma 17ème année de diabète j’ai vécu ces premiers jours.
Sans expliquer en détail ce que c’est (Google est votre ami) en bref je dois faire attention à ce que je mange et j’ai piqûres sur piqûres.
Passer des infirmiers à mon père pour finir par moi pour me faire les injections a été d’une grande liberté pour moi et pourtant je reste immature.
Dois-je me contenter de me dire que j’ai failli mourir jeune et que grâce à ma mère je peux vous écrire cette histoire ? Je pense qu’il me faudrait plus qu’une vie pour la remercier.
Matthieu
Mon « diagnostique » a eu lieu un 6 Juin 1996, un jour d’été après un printemps radieux. J’avais 10 ans, évidemment j’avais maigri, évidemment j’étais bien plus faible et souffrais des symptômes standards entre soif, polyurie, cétonurie (limité toutefois).
J’ai eu la chance, car c’est une chance, d’être bien diagnostiqué et entouré, d’avoir des médecins non pas compétent car, n’en déplaise, on s’en fiche quand on a un type 1 (la compétence ne dose pas mieux l’insuline), mais humains.
La chance d’avoir une famille qui, inquiète a toutefois réussi à ne pas me faire ressentir inutilement cette inquiétude afin que l’enfant que j’étais n’en porte pas seul le poids.
Un père qui, je ne sais plus quand, un ou deux ans plus tard alors que je faisais un malaise et paniquais m’a dit « ce n’est pas à toi de t’adapter à la maladie mais à elle de s’adapter à toi ».
Nous étions en 97, l’insulino-thérapie fonctionnelle n’exsitait pas formellement mais je la pratique depuis ce jour. A ma connaissance cette phrase de mon père est la seule formation que j’ai reçu, j’exagère bien-entendu, mais c’est la seule qui m’ait donnée la force de compter et faire attention.
Comme quoi…
Revenons en 96, en Juin j’arrive à l’hôpital de Tulle par mes (nos) propres moyens, il fait chaud, j’ai le souvenir d’une luminosité aveuglante partout, tout le temps pourtant c’est la fin d’après-midi. Salle d’attente, ma mère me donne de l’eau, encore de l’eau…
Les médecins arrivent, une salle d’auscultation, un pédiatre et un endocrinologue (qui me suit encore). Le couperet, il n’y a plus de lumière. Plus d’été, des mots, précis, pas transigeant, j’ai une pathologie, chronique qui ne peut être soigné que par injection, sa vie durant, mais il est possible de bien vivre et même normalement.
On m’a dit tous cela le premier jour, c’est important, je crois… Je crois que c’est important de dire, même à un enfant en état de choc, la vérité et réalité.
Puis le traitement, voie centrale, j’avais une peur bleu des aiguilles, une pompe à insuline en forme de pompe à morphine (un truc maousse branché sur secteur)… Je crois que c’est là que j’ai réellement été « choqué ».
Ensuite dix jours d’hospitalisation, c’est long… Mais déjà je comprends rétrospectivement que je n’étais pas du genre à savoir mourir. Je passe mon temps à chercher de quoi lire, jouer, relire, écrire, dessiner, jouer encore… Il faut que j’occupe mon esprit, parce qu’en fait, je suis en train d’apprendre à dix ans à mourir. Évidement je ne le suis pas, mort, et ne comptait ni ne compte l’être mais je comprends alors que c’est « possible », ce que je ne concevais pas quelque jours avant…
Comment réagit-on ? Qu’est ce qui fait que certain.e s’en sorte mieux ?
Franchement ? Je n’en sais rien je ne sais que ce qui m’est arrivé et pour certaine bride de souvenir il m’a fallu 20 ans pour les rassembler et comprendre.
Revenons en 96, les 9 jours suivants, le soleil est revenus et s’est levé, je m’occupe tant et si bien que je ne pense que très peu à la maladie. J’ai confiance, ai-je le choix de toute façon ? Non, alors je me laisse porter mais je sais que j’ai beaucoup pleurer, mais je n’arrive plus à me souvenir des déclencheurs précis…
Enfin, si, je ne pouvais faire, manger ce que je voulais ou comme je voulais…
Et il y’a Yann, en fait je ne sais pas si c’est son prénom, un enfant qui est là aussi et a plus ou moins mon âge et qui semble aussi actif que moi alors… On s’amuse ensemble.
Son père, un jour, est là et me demande sans détour ni arrière pensé ce qu’il m’arrive et pourquoi je suis là. Je lui répond que c’est le diabète de type un. Je revois son visage et celui de son fils, il me réponds quelque chose qui dit « c’est dur mais au moins ça se soigne ».
Je pensais que mon diabète était gravissime et lui me sors ça… Mon cerveaux de gamin a du turbiner car j’ai compris, consciemment, des années plus tard que son fils devait être mourant… Contrairement à moi.
Le reste est flou mais il y’a deux éléments qui ont forgé mon rapport à la maladie et son effet sur mon caractère.
Le premier est un élément troublant, l’hôpital est construit à flan de colline et les étages du rdc au 5ième ont tous un accès/rdv coté colline, ma chambre donne coté colline, spacieuse dans mon souvenir, je vois le soleil se coucher dans l’enfilade du couloir qui longe donc la colline et je vois les feuilles des arbres. Et cette pensée se fige, fixe, grave en moi comme une évidence. Je pense aux siècles qui ont conduit cet arbre à être ce qu’il est, je pense aux autres arbres, aux forêts, à ces cycles et saison qui alterne et font le monde tel qu’il est (tel que le percevais l’enfant des bois né en Corrèze que j’étais à 10 ans), les bourgeons, les feuilles, l’automne… Et cet évidence qui éclate dans ma tête : tous ça, oui tous ça existera même si je ne suis plus là. Toute cette beauté et éternité cyclique continuera même si je disparait… Et je crois que je me suis senti tellement bien que j’ai dormi ce jour là comme une souche pour la première fois depuis mon entrée.
J’ignore pourquoi mais j’ai ressentit un tel apaisement qu’encore aujourd’hui c’est cette pensée qui me (sup)porte quand je vais mal et vois le monde devenir fou… Aujourd’hui je pense qu’on a tou.te.s ce genre de « madeleine » et qu’il est plus important que tout de s’en construire une même si… Je suis le premier à savoir qu’elle se trouve généralement dans la douleur.
Le second est un truc que j’ai découvert à 30 ans… Un film, peut être certain.es l’ont vu : « Bienvenue à Gattaca », je ne reviendrai pas sur le thème et sujet du film mais qu’on fait fasse à un diagnostique d’un type 1 disons qu’il nous parle beaucoup.
Bha voilà, j’ai vu ce film avec le gamin que j’évoquai plus haut et, évidemment, il m’a beaucoup marqué surtout cette idée que notre force réside dans la tête/pensé et que nos gènes ne détermineront pas tous.
Là vous vous dites, normalement : « Bon ok, déjà le gars c’était farfelu avant ce qu’il écrit mais là c’est juste nul ».
Bha le truc farfelu c’est qu’il y’a deux ans j’ai voulu aller revoir la fiche du film, voir ce qui s’était dit dessus depuis ect…
Souvenez vous, nous somme en Juin 1996….
…
Bien, en fait, ce superbe film est sorti outre Atlantique mi-1997, j’ignore totalement sa date de sorti en France… Après m’être creusé la tête/mémoire je pense que j’ai vu ce film lors de ma seconde hospitalisation pour changer de traitement (passé un schéma 2 +1 correction midi à basale bolus) en 2000. Mais, aussi vrai que j’ai vu mon voisin ce matin, j’ai vu ce film en Juin 1996 ce qui veut dire que mon inconscient a fait un travail étonnant pour faire réaliser un voyage dans (mon/)le temps à ce film… Pour mon plus grand bien en fait.
Après pour ce qui est de la maladie elle-même j’ai vu l’évolution au début des années 2000, l’apparition des stylos jetables et aiguilles fines (en 1996 c’était 40u/ml = gros volumes et des seringues avec aiguille de 10-12 mm…). Aujourd’hui il est possible d’adapter ses doses sans tenir compte d’hypo/hyper-glycémie post-post-prandiale (heu, oui, avant une insuline « rapide » c’était 6 à 8h d’action et pic autour de 3-3h30… L’Humalog a définitivement changer la vie des diabétiques), de voyager sans trop de migraine (nos amis de type 2 sous insuline étant devenus nombreux les aéroports commencent à s’habituer, un truc : les stylos jetables entièrement en plastique se garde bien sur soi au passage des portiques, ça fait gagner du temps), faire du sport pour le sport et son plaisir (et non pour le diabète !)… Bref, l’important est de se connaitre et vivre avec et non pour la maladie.
Bien à vous,
Matthieu