Diabète et méchant

Tout espérer, ne rien attendre.

Étiquette : SARS-CoV-2

LA FRANCE A PEUR*

Je viens de lire ce texte magnifique et courageux de Céline Lis-Raoux, fondatrice et directrice de l’association Rose-Up. Il m’a semblé important de le relayer :

Avec le coronavirus, tout un pays découvre l’urgence de vivre

Céline Lis-Raoux montre ici avec brio comment la pandémie de Covid-19 ébranle (temporairement ?) le fantasme d’invulnérabilité qui habite d’ordinaire la psyché des bien-portants. Comment la crise actuelle met à nu les postulats idéologiques qui protègent habituellement ce fantasme contre « le principe de réalité » : conviction que la fragilité, loin d’être un attribut constitutif de notre commune humanité, serait l’apanage – voire de la faute – de quelques-uns (« C’est de naissance/génétique ? », « Il/Elle n’avait qu’à pas tant manger/boire/fumer ») ; foi exagérée dans les pouvoirs de la médecine, dont on s’abstient soigneusement d’aller examiner la réalité de trop près (« On a fait tellement de progrès », « Ça se soigne très bien maintenant ») ; croyance selon laquelle les « bons malades » s’en sortiraient, tandis que ceux dont l’état se dégrade en seraient largement responsables (« Elle ne s’est pas battue », « Il a fait n’importe quoi/n’a pas été observant ») ; dolorisme médical et culte de la résilience (« L’expérience de la maladie nous rend plus forts/meilleurs », « Le cancer/diabète/etc. m’a tellement appris/apporté »)…

À lire absolument !

* Selon un sondage IFOP du 27 mars 2020, 62% des Français craindraient désormais de mourir du Covid-19. Pour rappel, selon les estimations disponibles à ce jour, le taux de létalité du Covid-19 toutes populations confondues serait d’environ 2,5% (en réalité, sans doute moins). Voilà qui montre que le retentissement psychologique de l’exposition à un risque touchant la santé n’est guère corrélé à la probabilité statistique dudit risque.

Voilà qui suggère aussi, incidemment, qu’il doit y en avoir quelques-uns, parmi les petits Pangloss que nous avons croisés tout au long de notre carrière de malades chroniques, qui ont du mal, une fois directement concernés, à « relativiser » et à pratiquer l’optimisme comme ils nous l’enjoignaient hier encore. S’en souviendront-ils après cet épisode ? Cela serait sans conteste une bonne chose : nous verrons bien.

DIABÉTIQUES, RESTEZ CHEZ VOUS, TREMBLEZ ET EXPIEZ VOS PÉCHÉS (GLYCÉMIQUES) !

Danse macabreHier encore, le diabète « n’était pas une maladie » et ceux qui, en étant atteints, trouvaient néanmoins ce fardeau un peu lourd à porter, se voyaient enjoindre – fort fermement, le plus souvent – de « vivre normalement », sans « rechercher de bénéfices secondaires » (ce qui, une fois traduit de l’idiome raffiné des médecins dans la langue cruellement dénuée de poésie du commun, signifie à peu près « va bosser, feignant ! » ou quelque chose d’approchant).

Or nous voici soudain promus, avec une poignée d’autres, au rang d’objets de la sollicitude présidentielle :

Dans l’immense majorité des cas, le Covid-19 est sans danger, mais le virus peut avoir des conséquences très graves, en particulier pour celles et ceux de nos compatriotes qui sont âgés ou affectés par des maladies chroniques comme le diabète, l’obésité ou le cancer.
Emmanuel Macron, Adresse aux Français du 12 mars 2020

Cette reconnaissance de notre « fragilité » doit-elle nous réjouir ? On espère qu’elle ne conduira pas à « trier » tout de go ceux d’entre nous qui pourraient avoir besoin de soins de réanimation, pour cause de potentiel de survie insuffisant. Il semblerait heureusement que nous n’en soyons pas encore là mais il faut lire tout de même ces propos glaçants d’Anne Geffroy-Wernet, Présidente du Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs élargi, s’exprimant dans La Croix ce 19 mars sur les principes promis à guider la gestion de la pénurie :

Il y a trois types de profils parmi les patients très graves. Ceux dont on sait qu’ils vont mourir, quoi qu’on fasse : ce sont des morts « inévitables ». Ensuite, les patients qui ont déjà des pathologies sévères, qui représentent dans certains cas des morts « acceptables ». Enfin, les morts « inacceptables » : les patients jeunes et sans antécédent. Notre objectif est d’avoir zéro mort inacceptable.

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2016 - Diabète et Méchant