Diabète et méchant

Tout espérer, ne rien attendre.

Mois : mai 2016 (Page 1 sur 3)

UNE BRÈVE HISTOIRE (SUBJECTIVE) DU DIABÈTE

 

md15627341487I LES MOUCHES

De l’antiquité Grecque au XXème siècle, le diabète est une malédiction. Les type 1 tombent comme des mouches au bout de quelques semaines d’agonie, et les type 2 pourrissent lentement en compagnie des mêmes mouches, qui tournent autour de leur toge, attirées par les quantités de sucre qu’ils urinent, et l’acétone qu’ils exhudent.

Le XIXème siècle commence à s’occuper du problème. Les diabétiques de type 1 peuvent être guéris par le « régime de famine » qui limite l’apport calorique quotidien à 200Kcal : une salade verte par jour, une salade assaisonnée le dimanche. Et la mort, de faim, au bout de deux mois .
Les type 2 bénéficient de traitements dont on ne peut dire grand-chose, puisque personne ne les a trouvé assez bons pour les pérenniser. Dans La médecine végétale, le Dr Narodetzky indique comme traitement souverain les comprimés du Dr Sokel, combinés à l’élixir Spark.

Mais c’est alors que commence…

II LA MAUVAISE RÉPUTATION

A la fin du XIXème siècle, voici ce que Narodetzky pense des diabétiques : « Ceux qui sont précisément atteints, sont des individus qui ont peiné du cerveau, qui ont eu des malheurs ; ceux qui ont mené une vie de débauche et de plaisir, ceux qui ont fait abus des émotions violentes. »

En 1935, le Dr Anna Fisher, dans La femme médecin du foyer, conçoit le diabète comme une maladie mentale, déclenchée par la vessie.

En 1955 , le Dr André Soubiran dépeint dans L’ île aux fous un diabétique frustré par son impuissance, qui tue froidement son épouse.

En 1977, je deviens diabétique. Le Professeur Lestradet explique à ma maman que je vais devenir méchant.

Depuis les années 90, la série NY Unité Spéciale compte quatre types de prédateurs récurrents : le prof, le prêtre, le photographe, le diabétique (https://www.hypnoseries.tv/new-york-unite-sp/guide-episodes/saison-10/episode-1002/resume-long.49.695). Que ceux et celles qui, comme moi, sont diabétiques, professeurs et photographes amateurs lèvent le doigt, surtout s’ils n’ont encore tué personne!

Mars 2015 : un praticien tourmenté, le Dr Michèle Serrand, déclare qu’Alzheimer est une troisième forme de diabète, et préconise son traitement par le régime cétogène, proche du régime de famine.

En Février 2016, je sers le café dans le club-house de l’école d’équitation de ma fille. Une maman me confie qu’elle ne se mariera jamais avec un diabétique. Elle me raconte alors que ses deux parents, qui étaient infirmiers, lui avaient expliqué qu’un diabétique était un salaud, un porteur de malheur, un pauvre type qui allait transmettre ses gènes défectueux à ses enfants. Sympa pour Emilie, qui chevauche Malko derrière le mur.

III OUR NADA WHO ART IN NADA

Au moins, il y a 40 ans, l’espoir régnait. Le pancréas artificiel, la cyclosporine puis la xénogreffe d’îlots de Langerhans étaient imminents. J’ ai passé toute mon enfance à entendre des médecins AJD certifier que ce serait fini dans cinq ans. Le plus pessimiste de mes interlocuteurs m’a promis la guérison « pour dans 10 ans », en 1983. C’était un chauffeur de taxi niçois.

Puis on m’ a dit que rien ne m’arriverait si je faisais attention. Quand j ai eu 24 ans, le Dr Cahané m’a expliqué que je deviendrai impuissant et que je ferai de l’insuffisance rénale, à moins qu’un infarctus indolore n’ait pitié de moi.

Il semble que les ados diabétiques d’aujourd’hui ne se laissent pas trop bercer d’illusions. Mais il semble aussi que le déni massif soit à la mode, et que l’arrêt volontaire du traitement par les jeunes DT1 soit fréquent. Est-ce si étonnant, quand on sait que les derniers progrès sont, au mieux, non pris en charge et pas donnés (glycémie intersticielle), au pire sabordés (insulines par voie nasale), ou semblent bloqués depuis 20 ans (xénogreffe)?

Grégoire Boudsocq

Vous pouvez tenter de me consoler à lecafardmystere@yahoo.co.uk
Pour toute réclamation ou autodafé, voir la BNF, la BIUS ou le Ministère de la Santé.


A propos de Grégoire Boudsocq

Né en 1971, diabétique de type 1 depuis 1977, à la suite d’un traitement corticoïde. Marié, 1 enfant, invalide avec obligation de travail depuis 2004, sans emploi depuis 2012.

 

CE N’EST QU’UN DÉBUT

Un enfant diabétique avant l'invention de l'insuline.

Un enfant diabétique avant l’invention de l’insuline.

Ça a commencé par une tribune dans Libé, il y a 5 ans. Diabétique insulinodépendant, je racontais la chape de plomb sur cette maladie, l’absence de contre-pouvoirs institutionnels et la confusion entretenue entre type 1 et type 2. Naïvement, je pensais que ce que j’y décrivais de la situation du diabète, particulièrement en France, était tellement scandaleux que cela susciterait un débat, et ne serait pas sans conséquences judiciaires et sanitaires.

Aucune réaction, ou presque : un courrier de protestation d’un diabétologue criblé de liens d’intérêts ; les encouragements d’une poignée de DT1 dissidents ; et, parmi les lecteurs, un éditeur tenace et brillant. Sous son impulsion, et grâce à sa confiance, j’ai pu écrire Diabétiquement vôtre et le faire paraître à l’automne dernier.

Ce livre a suscité beaucoup de témoignages magnifiques, de diabétiques, de parents, de soignants, et aussi d’associations et de fondations diabétiques hors de France (ici, black-out gêné, à l’exception d’Ose menée courageusement par le docteur Claude Colas). Mais comment faire pour ne pas rester dans l’incantation et l’indignation?

Depuis deux mois je me suis exercé, sur Facebook (http://www.facebook.com/diabetiquementvotre), à répondre du tac au tac à l’actualité du diabète. C’est assez démoralisant : impression que les approximations, les mauvaises habitudes, les annonces intempestives et la gabegie économique, loin d’avoir reflué depuis la publication du bouquin, ont au contraire redoublé. Mais je ne suis plus seul. Nous sommes une minorité, dans la minorité de diabétiques de type 1, qui refusons le panurgisme associatif et la pédagogie noire de mandarins devenus les pompistes du complexe diabéto-industriel.

Alors voici comment nous allons tenter de nous y prendre, en 3 étapes pour commencer :

1 Avec ce nouveau site (https://diabeteetmechant.org), qui va nous permettre de nous exprimer plus collectivement, avec d’autres contributions. Des textes souvent acides certes, mais précis, à la fois personnels et pas nombrilistes. Pas d’imprécations, de conspirationnisme ou de tous pourris. Conquête pour le diabète, dignité pour les diabétiques.

2 Par la création d’une structure destinée à représenter les diabétiques de type 1 et leurs proches, y compris dans le cadre d’actions en justice. La confusion a triomphé, y compris au sein des associations agréées, désormais vouées aux si nombreux type 2 (à qui les mêmes enjoignent de manger des sucres lents), et elle sacrifie les diabétiques de type 1.

3 Par l’organisation de Rencontres du 1er type. Les premières auront lieu cet automne à Paris.

Les bonnes volontés sont plus que bienvenues (contact@diabeteetmechant.org). Tout ceci repose sur notre seul engagement, et il est essentiel que les choses continuent ainsi, sur la base du bénévolat et de l’autofinancement. C’est assez gonflant d’être diabétique de type 1, ou d’avoir un enfant diabétique. Ça ne nous amuse pas de faire ça. Mais ça vaut le coup d’essayer.

 

L’ÉDUCATION FRANÇAISE (2) : CONFIEZ VOTRE DIABÉTIQUE À SOPHIA

Ça démarre gentiment mais ça commence à être pas mal à partir de 39″, là en cinquante secondes tout y passe : l’observance, la punition des complications etc. Ce service inepte, qui coûte un bras à la CNAM, ne rend service qu’à ceux qu’il enrichit, et les soignants eux-mêmes ont du mal à comprendre comment l’État peut encore lui consacrer des dizaines de millions chaque année.

L’ÉDUCATION FRANÇAISE

Regard apeuré avant la récitation, le personnel Sophia débite sa leçon. Tous les mots-clés sont là : « acteurs de leur maladie », « éducation thérapeutique », « accompagnement », « coaching », « complications ». Et toujours l’ambiguité sur le type de diabète, préjudiciable aux DT1 comme aux DT2. Entendre un médecin parler à tort de « pathologie »* est toujours un régal. A quand l’ETS (Éducation Thérapeutique du Soignant)?

(*) : ce mot ne désigne pas la maladie mais l’étude de celle-ci.

 

CEUX QUI VEULENT VRAIMENT GUÉRIR LE DIABÈTE (6)

Fondée en 2013, T1International est une ONG basée à Londres qui se bat pour l’accès aux soins des diabétiques de type 1 dans le monde. Ici une interview très intéressante d’Elizabeth Rowley, fondatrice et directrice, elle-même DT1 depuis l’âge de 4 ans. Ses propos à l’égard du cartel de l’insuline sont tout à fait éclairants (et accablants).

https://beyondtype1.org/t1international-and-their-global-t1d-mission/

 

LES VRAIES BONNES NOUVELLES (7)

Espérons que ce ne soit pas une énième fanfaronnade car cette direction-là (la création d’îlots de Langerhans en laboratoire) est une des plus intéressantes.

Distribution of insulin-expressing beta cells (red) and glucagon-expressing alpha cells (green) in a human islet.

http://www.theguardian.com/society/2016/may/18/type-1-diabetes-treatment-could-end-need-for-insulin-shots?CMP=share_btn_fb

LE COMBAT DE L’AFD CONTRE… LES FAMILLES DE DIABÉTIQUES

Il fallait y penser : pour faire reculer le diabète il suffit de faire reculer les diabétiques. Cette intervention du Président Raymond date un peu (2012), mais elle en dit long sur la confusion qui règne. Mélangeant à dessein tous les diabètes, il désigne l’hérédité comme cause principale de la maladie, sans expliquer clairement le but de sa campagne de ciblage des « familles à risques » : Eugénisme? Stérilisation? Culpabilisation gratuite?

EXHIBITIONNISME DES RÉSULTATS : QUI C’EST QUI A LA PLUS PETITE (glycémie)?

Avec les réseaux sociaux il y a une tendance à brandir ses résultats, sur Facebook, Twitter ou Instagram. Cela correspond, chez les anglo-saxons, à une culture positive, de victoire face à la maladie. Mais il faut faire attention à ce que ça ne provoque pas l’effet inverse : l’exhibition peut être très décourageante quand on a du mal à se tenir dans les chiffres recommandés.

Une des vertus d’un appareil comme le FreeStyle Libre (quand on le pose bien, avec le bras replié, qu’on a bien appuyé sur le capteur pour qu’il ne se décolle pas… et qu’on a pu se le payer tant qu’il n’est pas remboursé) c’est qu’il aide à entrevoir la dynamique du sucre et de l’insuline. On comprend mieux les fluctuations, y compris ce qu’elles peuvent avoir d’aberrant, et on risque moins de décrocher par lassitude. Mais si on est confrontés en permanence aux bonnes notes affichées par les (pseudo) bons élèves, on va se sentir nuls et le résultat sera le même.

Il est important que nous puissions partager nos expériences positives comme nos difficultés, mais nous devons essayer de le faire avec tact et discernement. L’HbA1c, qui est un baromètre très limité, puisqu’il ne prend pas en compte les variations glycémiques, va devenir obsolète dès que la lecture intersticielle, qui mesure le taux de sucre en permanence, sera devenue la norme. Certains praticiens paresseux s’arrêtent à ce chiffre trimestriel, au risque de passer à côté de dysfonctionnements très graves, ou de favoriser les hypoglycémies violentes en ordonnant des taux irréalistes. Faisons attention de ne pas participer à cette escalade normative.

Bref, attention au concours de bites.

CEUX QUI VIVENT DU DIABÈTE (3) : DIABÈTE MAG

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Distribué gratuitement en pharmacie mais vendu officiellement 6€ par numéro, Diabète Mag, comme son supplément Le Gourmand Diabétique (marque déposée*) est une feuille de chou indigente, rédigée avec des ciseaux par la mystérieuse Eva Folley, dont il est difficile de connaitre les qualifications ou l’existence réelle. Évidemment la confusion DT1-DT2 est à son comble, et les conseils diététiques valent leur pesant d’hydrates de carbone : « Au petit déjeuner, privilégier les céréales et les produits laitiers, sans oublier les jus de fruits, riches en vitamines ». Avec 85% de glucides au compteur sur les céréales et les jus de fruits le DT2 a de beaux jours devant lui.
En dernière page, une belle pub Accu-Chek (« Le sourire au bout des doigts »). LE SOURIRE AU BOUT DES DOIGTS. Ils ont osé, ils l’ont fait. Rien ne les arrête.

(*) Quelques autres appellations déposées par le même entrepreneur : Alcool de frite, Lingerie Magazine, Santerama. Cette maladie attire les génies.

MAGAZINES

 

 

NESTLÉ VEUT NOUS VENDRE À LA FOIS SES SUCRERIES ET DES PILULES POUR LE DIABÈTE

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http://www.bloomberg.com/news/features/2016-05-05/nestl-s-sugar-empire-is-on-a-health-kick

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