Diabète et méchant

Tout espérer, ne rien attendre.

PERMIS DE CONDUIRE ET DIABÈTE – LE POINT SUR LA RÉFORME DE 2018

Sommaire

  1. Assouplissement partiel des conditions d’obtention du permis de conduire
  2. Qu’apporte la réforme ?
  3. En pratique que faire ?

Assouplissement partiel des conditions d’obtention du permis de conduire

Depuis 2018, l’aptitude à conduire d’un diabétique de type 1 ne dépend plus exclusivement d’un médecin agréé par la préfecture et peut désormais sous conditions être évaluée par un médecin traitant ou un diabétologue. L’avancée est majeure pour celles et ceux qui peuvent s’en prévaloir. Dans ce cas en effet, plus de visite auprès du médecin agréé, plus de limitation de durée à 5 ans du permis, plus de délais ou risque d’aléas administratifs. Et c’est heureux.

Certes, pour protéger, évidemment, le Syndicat des médecins agréés pour le contrôle médical d’aptitude à la conduite (SMACMAC) s’est opposé à cette réforme, non pardon, s’est insurgé1. Le Dr Dominique Richter, président du SMACMAC, considérait en effet que « Les médecins agréés permis de conduire sont formés spécifiquement à la sécurité routière, avec des formations continues tous les 5 ans. Nous ne souhaitons en aucun cas stigmatiser les patients diabétiques, mais notre rôle est de leur permettre de conduire dans les meilleures conditions, pour eux mais aussi pour les autres ». Pour protéger les patients donc.

En guise de protection, il faut toutefois rappeler que de nombreux diabétiques conduisaient et conduisent toujours sans appliquer ce texte, soit en cas de permis obtenu antérieurement à l’apparition de la pathologie, soit par simple non connaissance ou omission. Il est vrai que le régime est bien complexe, bien pénalisant et surtout incroyablement discriminant. Quand on y pense, sans volonté de comparaison, bien d’autres situations (addictions diverses par exemple) ou simplement l’âge avancé de certains conducteurs mériteraient cette attention, cette protection2.

L’article R. 412-6 du code de la route dispose en effet que « Tout conducteur de véhicule doit se tenir constamment en état et en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent ». En application de ce principe, les textes prévoient3 un contrôle médical périodique pour les personnes atteintes d’une affection médicale incompatible avec la délivrance ou le renouvellement d’un permis de conduire. Le diabète de type 1 est depuis longtemps intégré à cette catégorie. Ainsi en théorie, avant la réforme de 2018 tout diabétique de type 1 devait avant de pouvoir s’inscrire au permis de conduire déclarer sa pathologie et passer une visite médicale pour avis d’un médecin agréé avant délivrance d’un permis temporaire d’une durée maximale de 5 ans. Désormais la réforme réserve ce cas à une partie des situations seulement.

Qu’apporte la réforme ?

Le régime demeure identique à la différence près qu’un diabétique n’est plus automatiquement soumis à l’avis d’un médecin agréé. Il appartient désormais au médecin traitant ou au diabétologue d’évaluer si un diabétique doit passer une visite médicale auprès d’un médecin agréé. Pour comprendre il convient de se reporter à l’Arrêté du 16 décembre 20174. Ainsi concernant le diabète les dispositions suivantes sont désormais prévues.

CLASSE VI : PATHOLOGIE MÉTABOLIQUE ET TRANSPLANTATION
6.2. Diabète 6.2.1 Traité par médicaments pour le diabète Cf. classe 1 et paragraphe 2.1. Avis médical régulier, adapté à chaque cas, dont l’intervalle ne doit toutefois pas excéder 5 ans. Le médecin sera particulièrement vigilant dans l’évaluation du risque hypoglycémique.
6.2.2 Diabète traité par médicaments susceptibles de provoquer une hypoglycémie Un candidat ou un conducteur souffrant de diabète qui suit un traitement médicamenteux susceptible de provoquer une hypoglycémie doit prouver qu’il comprend le risque d’hypoglycémie et qu’il maîtrise ce risque de manière adéquate. Le permis de conduire n’est ni maintenu, délivré ou renouvelé pour un candidat ou un conducteur qui n’est pas suffisamment conscient des risques liés à l’hypoglycémie. Le permis de conduire peut être maintenu, délivré ou renouvelé dans des cas exceptionnels à condition que ce maintien, cette délivrance ou ce renouvellement soit dûment justifié par un avis spécialisé et subordonné à un suivi médical régulier attestant que le sujet est toujours capable de conduire un véhicule dans des conditions compatibles avec les impératifs de sécurité routière. Un avis d’aptitude peut être rendu limité à 5 ans maximum, selon avis spécialisé.
6.2.3 Diabète avec hypoglycémie sévère récurrente
On définit les cas d’« hypoglycémie sévère », où l’assistance d’une tierce personne est nécessaire, et les cas d’« hypoglycémie récurrente », lorsqu’une deuxième hypoglycémie sévère survient au cours d’une période de douze mois.
Le permis de conduire n’est ni maintenu, délivré ou renouvelé pour un candidat ou un conducteur qui souffre d’hypoglycémie sévère récurrente, à moins que ce maintien, cette délivrance ou ce renouvellement ne soit soutenu par un avis spécialisé et d’un suivi médical régulier.
En cas d’hypoglycémie sévère récurrente survenant durant les heures de veille, le permis de conduire n’est ni maintenu, délivré ni renouvelé jusqu’à ce que trois mois se soient écoulés depuis la dernière crise.
Le permis de conduire peut être maintenu, délivré ou renouvelé dans des cas exceptionnels à condition que ce maintien, cette délivrance ou ce renouvellement soit dûment justifié par un avis spécialisé et subordonné à un suivi médical régulier attestant que le sujet est toujours capable de conduire un véhicule dans des conditions compatibles avec les impératifs de sécurité routière.
Extrait de Arrêté du 16 décembre 2017 modifiant l’arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée.
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2017/12/16/INTS1733038A/jo/texte

En pratique que faire ?

Premier cas, si vous n’avez jamais visité un médecin agréé, c’est à l’avis de votre médecin traitant ou diabétologue qu’il faut vous en remettre. Ainsi afin d’être exonéré d’une visite devant un médecin agréé, il vous faudra vous trouver dans le cas 6.6.2 première phrase (ou 6.6.1) et à titre de précaution probatoire demander, pour conserver une trace écrite (et bien que cela ne soit pas exigé par le texte) une attestation signée indiquant par exemple :

« Je soussigné Dr XXXXXX, certifie que M./Mme XXXXXX connaît et comprend le risque d’hypoglycémie et maîtrise ce risque de manière adéquate. »

Cette visite et attestation devra être renouvelée tous les 5 ans. Si vous présentez un permis léger automobile ou moto vous pourrez alors cocher la case « non » à la question « Le candidat est-il atteint à sa connaissance d’une affection et/ou d’un handicap susceptible d’être incompatible avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou de donner lieu à la délivrance d’un permis de conduire de validité limitée ? » du formulaire en ligne d’inscription au permis.

En revanche, dans le cas où vous êtes déjà titulaire d’un permis temporaire, faute de précision dans les textes, il semble que vous soyez malheureusement dans l’obligation de renouveler votre permis en passant devant un médecin agréé et ceci même si vous pourriez vous trouver dans le cas précité 6.2.2 première phrase. Ce qui est regrettable. L’assouplissement d’une discrimination demeure une discrimination.

Notes

1 « Permis de conduire des diabétiques : le Syndicat des médecins agréés s’insurge », Le quotidien du médecin, 16 novembre 2018
https://www.lequotidiendumedecin.fr/specialites/diabetologie-endocrinologie/permis-de-conduire-des-diabetiques-le-syndicat-des-medecins-agrees-sinsurge
2 Rappelons tout de même que cette visite médicale du permis de conduire est facturée 36 Euros (non remboursés) et 46 Euros complémentaires (non remboursés non plus), dans le cas où la commission médicale départementale doit trancher, c’est-à-dire lorsque le médecin agréé ne parvient pas à statuer sur l’aptitude à la conduite. Sans compter le temps à y consacrer, et l’aléa administratif toujours possible.
3 Arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000265763&categorieLien=id
4 modifiant l’arrêté du 21 décembre 2005 modifié fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée

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  1. Arca

    Très bel article expliquant comment posséder un permis de conduire permanent lorsqu’on est diabétique sans risque hypoglycémique.

    Deux précisions me semblent importantes.

    Tout d’abord, il n’y a pas vraiment eu de reforme du permis de conduire pour les diabétique en 2018.
    Il s’agit d’une procédure apparue en novembre 2018 qui a suscité une question du sénat au gouvernement sur les « Conditions d’obtention du permis de conduire pour les personnes atteintes de diabète ».
    La réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée dans le JO Sénat du 04/04/2019 (1) a confirmé que cette procédure était conforme à l’Arrêté du 16 décembre 2017.
    Cette procédure est donc valable depuis le 16 décembre 2017.
    Les sections « 6.2 Diabète » de cet arrêté du 16 décembre 2017 et de l’arrêté précédant datant du 21 décembre 2005 étant identiques, peut-on en conclure que cette procédure était valable dès le 21 décembre 2005 ?

    Les titulaires d’un permis temporaire doivent effectivement revoir un médecin agréé avant la date de préemption du permis.
    Cependant, il est important de diffuser l’information que durant cette visite, il nous est possible de demander et d’obtenir un permis permanent.
    Plusieurs témoignages (2) (3) prouvent que cela est possible lorsque l’on est en mesure de le justifier.

    Michel

    (1) https://www.senat.fr/questions/base/2018/qSEQ181208051.html
    (2) https://forum.doctissimo.fr/forum2.php?config=sante.inc&cat=17&post=175398&page=1&numreponse=820770&quote_only=1
    (2) https://femmesdiabetiques.com/forum/topic/8498-nouvelle-r%C3%A9glementation-sur-le-permis-de-conduire/?page=3

  2. Plas

    On a respecté la loi, on doit repasser devant un médecin agréé, on ne l’a pas respecté, plus besoin de déclarer en préfecture ?? Est ce possible en droit et égalité ?? Pénalisation vde celui qui respecte la loi ?? Merci. Cordialement.

  3. Alexandra Surböck

    Etant en Belgique et étant belge, je dois obtenir chaque 5 ans, un document de mon médecin endocrinologue attestant que le diabète de Type 1, compagnon d’infortune, ne m’empêche pas de conduire. Je dois le renouveler dans 2 mois et on verra. A priori, tout va bien (yeux/nerfs et reins) mais on dépend toujours de l’accord d’un tiers à délivrer un document et de ce fait, rien n’est gagné/perdu d’avance. Etant juriste, j’ai respecté les règles et confirme qu’il est bien plus difficile de respecter la loi que de l’ignorer. Si je l’ai respectée, c’est en pensant aux autres conducteurs de la route et à ma non-volonté d’être un jour responsable d’un accident en dehors du cadre. Le document me rassure. Ma compagnie d’assurance est au courant du diabète depuis l’obtention du permis et, il est vrai, changer d’assurance est tellement lourd que la formalité, à mon stade, est écartée. C’est vrai, c’est injuste par rapport aux bien-portants et aux mal-portants non entrant dans le cadre de la loi et du coup libéré de cette contrainte. Parfois, je me dit qu’il eut été plus facile de mentir lors de la déclaration du premier permis. Et, en même temps, mon intime conviction me dit que j’ai fait le bon choix. Petit témoignage de partage. Juste pour le plaisir.

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