Tout a changé ce weekend. Nous avons dû tout réorganiser dans la Maison de Santé où je bosse. Les kinés ne travaillent plus. On a donc réservé leur salle d’attente aux cas douteux, on les examine dans les box des kinés et les patients quittent le cabinet par la porte-fenêtre de derrière, pour limiter les transits.
Si on peut, les cas douteux sont gérés par téléphone, parfois en téléconsultation avec visioconférence (en fait c’est gadget, le téléphone fait mieux !). Ceux qui viennent physiquement ne viennent que l’après-midi. Les matins, on garde une mini activité pour les problèmes médicaux impossibles à décaler.
Les cas arrivent de partout. On est des robots, on entend la même histoire chez tous nos patients, fièvre, courbatures, ça brûle un peu gorge « mais ça va, vous croyez que c’est ça ? », on prescrit toujours pareil : arrêt de travail et Paracetamol. On rappelle les règles « vous n’avez vu personne ? », « ben non, à part mon gendre et ma fille qui viennent toujours le dimanche, et ma petite fille est passée, elle était inquiète »… Où d’autres interactions sociales pourtant interdites !
Mes « compétences » en éducation thérapeutique, relation patient, approche centrée patient, individualisation du traitement, tout est balayé. J’ai rajeuni de 500 ans, je lutte contre la peste, médecine anti-infectieuse, ce qu’elle a toujours été avant l’ère de l’abondance.
Je me sens sale du matin au soir. Contaminé, galeux ! La peau des mains s’use à trop les laver. On rentre voir ses enfants, persuadés qu’ils sont dans le même bateau !
On reçoit des mails glaçants de nos collègues réanimateurs, on ressent ce qu’il se passe, sans être au cœur du volcan. On reçoit mille infos de la journée, demandant des ajustements permanents, des adaptations. On reçoit aussi le protocole, (le process en langue moderne), pour les certificats de décès des Covid +.
Quand tu reçois ce genre de mail, tu comprends que c’est mal engagé ! En parallèle je rappelle le fils d’un vieil homme mort du covid : mise en bière immédiate, pas de soins du corps, pas d’obsèques dignes. Un deuil à l’arrière-goût de peste. Une mort de vieux chien de chenil.
On a du temps pour prendre des pauses, pour discuter ; le rythme est bizarrement plus cool. Il manque un trou dans les masques pour boire le café ! On ouvre les réseaux sociaux pour lire 2 -3 blagues sur le covid (l’humour covid est plutôt bon !).
On se retrouve souvent entre collègues, on se soutient, on est plus qu’une famille maintenant. Nos secrétaires sont héroïques.
La Sécu et ses agents nous ont appelés pour des simplifications administratives. On se sent soutenus aussi de ce côté-là. Ils sont tous à fond, adorables. On s’envoie des messages sympathiques. On se mettait sur la gueule il y a quelques jours… Dans la vie d’avant ! Maintenant on se serre les coudes.
Pareil avec les infirmières à domicile, les pharmacies… Le monde a changé si vite.
Notre société « Titanic » s’est mangé l’iceberg, et d’un coup, plus de 1ère classe, plus de classe du tout… juste l’orchestre qui joue et ça fait bien. La richesse, l’arrogance, l’individualisme, tout a coulé, par la simple faute d’un bout d’ARN, discrètement encapsulé, avec un aspect de couronne, d’où son nom de coronavirus… L’iceberg est si ridiculement petit, que le sentiment de fragilité de notre société, pourtant insubmersible, est décuplé…
Je suis ému et touché par tous ces gens qui nous envoient des messages, qui proposent leurs services, nous déposent des masques. Un fleuriste nous a déposé hier une quinzaine d’orchidées qu’il allait jeter sinon ! La secrétaire a la larme à l’œil. Il avait fait le tour des maisons de retraite avant. Ces EHPAD sont bunkerisés, chapeau au personnel qui doit garder de l’humanité dans ce chaos.
Je reçois la liste des personnes à risque. Je ne m’attarde pas sur le cas des diabétiques. Je serais à risque selon cette fichue liste. Je le refuse. Je suis parfaitement équilibré, je n’ai pas de sur-risque. Je ne supporterais pas de ne pas y être, de ne pas être pleinement investi face à cette crise. On est en guerre. Je dois jouer les soldats, c’est mon rôle, ma vocation, mon serment.
Je suis heureux de rendre service. Je plains ceux qui sont contraints à la passivité.
J’ai peur. J’ai peur pour ceux que je connais. J’ai peur pour tous les « fragiles ».
Restez chez vous… Bordel, restez chez vous, cette fois, ce n’est pas une blague.
Je vous embrasse, écrire cela me soulage.
Jean-Charles
Defranoux Bernard
De tout coeur avec vous.
Courage
LEMONNIER CATHERINE
Courage à tout le personnel. On comprend le confinement mais hélas aujourd’hui, vous voyez où l’on habite, et bien j’ai vu des voitures passées avec 2/ 3 personnes à bord …. autant qu’un samedi normal. Bordel il y en a marre de ces gens qui ne veulent rien comprendre. On est tous dans la même galère. Pour eux c’est week end donc ballade…..
Le coup de gueule du jour pour ne pas aller bosser là ils ne sortent pas obéissent avec du mal et pour aller se ballader, alors que c’est interdit, là ils oublient tout……
BRAVO A TOUT VOTRE CABINET MEDICAL ET SURTOUT COURAGE A TOUS.
SAMIRA
J’avais une pensé pour vous aujourd’hui en évoquant votre nom sur le groupe diabète et ceto nous sommes avec vous ont vous soutiens en restant bien chez nous mon mari fait un drive pour 2 semaines ici dans le val d’Oise les gens applique au maximum le confinement pas un chat dans mon quartier nous avons la chance d’avoir un jardin pour que les enfants prennent le soleil qui fait du bien en ses jours spéciaux, on relativise et comprenons que demain il faudra changer et je l’espère pour beaucoup, on espère que tout ira bien pour tout le personne du corps médical c’est là ou on se rend compte des métiers essentiels comme aussi les caissière les livreurs etc beaucoup beaucoup de courage
Félix Joly
Merci de nous raconter ce qui ce passe dans la réalité des cabinets médicaux.