Diabète et méchant

Tout espérer, ne rien attendre.

Étiquette : vie normale

LE DIABÉTIQUE DE TYPE 1, UN MALADE IMAGINAIRE ?

Souriant et plein d'énergieDepuis que j’ai reçu ma carte de membre chez les diabétiques de type 1 pour fêter mes 30 ans, il y a 5 ans, j’ai souvent l’impression de souffrir d’un mal imaginaire, comme une sorte de petit rhume que j’invoquerais systématiquement pour embêter le monde ou me donner de l’importance.

J’entends :

« Arrête de peser tes aliments »,
« Tu viens pas avec nous au resto ? »,
« Tu feras ta piqûre dans les toilettes pendant la séance ciné »,
« Tu pourrais pas manger d’autres trucs »,
« Fais pas le difficile, c’est le mariage de ton meilleur pote, tu prends ton matos et y a pas de problème »,
« T’es chiant, tu bois jamais d’alcool et tu peux jamais rester serein quand on sort, ton diabète c’est pas la mort, laisse-toi vivre »,
« Pourquoi t’as peur de partir en voyage ? »,
« Un foot après le repas ? »,
« On peut rien faire avec toi »…

Je vous rassure, amis diabétiques, les hypos, les hypers, les pesées, les calculs, les séjours à l’hôpital et les aiguilles sont bien là pour me rappeler que j’ai vraiment un gros bobo. Et pourtant, il ne suffit pas d’être malade pour être malade. Encore moins lorsque vous souffrez d’une maladie invisible.

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LA PEAU DE CHAGRIN

La Peau de chagrinDans La Peau de chagrin de Balzac, le héros, Raphaël de Valentin, s’étant ruiné au jeu, découvre chez un antiquaire un objet maléfique – une peau de chagrin – qui lui permet d’accomplir tous ses désirs mais, se confondant avec sa vie, rétrécit à chaque souhait exaucé. Après s’être adonné quelque temps à divers excès, Raphaël finit par se terrer chez lui en s’efforçant de ne plus rien vouloir pour durer encore un peu.

Il ne me semble pas que l’analogie ait déjà été faite et, pourtant, la comparaison entre le héros de Balzac et nous, diabétiques de type 1, est tentante.

Comme Raphaël en effet, mais sans avoir jamais voulu conclure ce pacte faustien, le diabétique de type 1 se trouve du jour au lendemain tenir sa vie entre ses mains, investi du pouvoir de se nuire gravement, voire de se perdre, en cédant à des mouvements naturels – boire, manger, courir – anodins pour tous les autres. Il pourrait sans rire se suicider à coups de petits plats bio maison garantis sans gluten ou d’oranges fraîchement pressées, et il n’en faudrait même pas beaucoup pour l’anéantir.

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DIABÉTIQUE DE TYPE 1 EN 2018 : UNE VIE PAS SI « NORMALE »

Vie normale...« Ne vous inquiétez pas, cela se soigne très bien et vous aurez une vie normale » : quel diabétique n’a jamais entendu cette phrase, de son médecin, de l’ami de la famille, ou de quiconque peut penser avoir un avis très tranché sur la normalité de la vie diabétique ?

Mais qu’est-ce qui est normal dans cette vie quand le premier geste le matin au réveil et le soir au coucher est de se piquer le bout du doigt pour en faire jaillir une goutte de sang ? Qu’est-ce qui est normal dans cette vie où le corps est relié à une petite machine par un fil, où un capteur est enfoncé dans le bras ? Qu’est-ce qui est normal dans le fait d’avoir un médicament à injecter pluri-quotidiennement et ce, toute sa vie ? Qu’est-ce qui est normal dans le fait d’avoir une sensation de fatigue au travail ? Qu’est-ce qui est normal dans le fait de ressentir un tel poids dans la gestion quotidienne de sa vie ?

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LE DIABÈTE DE TYPE 1 SERAIT-IL UNE MALADIE GRAVE ?

Sandro Botticelli 054Les derniers jours de décembre étant d’ordinaire l’occasion de tirer le bilan de l’année écoulée, je profite de l’occasion pour jeter un coup d’œil sur l’année 2017.

Là, je sens que je vais vous surprendre : c’est en 2017 que j’ai découvert que le diabète du 1er type, que je fréquente pourtant depuis plus de 25 ans, était une maladie grave. Sans rire.

Déjà, je n’étais pas bien sûre qu’il s’agissait d’une maladie, au sens de vraie maladie. Combien de fois en effet me suis-je entendu dire : « Mais enfin… vous n’avez pas l’air malade ! ». À cette époque, je n’avais pas la présence d’esprit de répondre « Ah oui ? Eh bien, les apparences sont parfois trompeuses : vous, par exemple, vous n’avez pas l’air d’être un sombre crétin ». Il faut dire aussi que j’avais 11 ans lors du diagnostic, l’esprit de répartie ne m’est venu que plus tard.

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LE DIABETE ET SES MOTS

Doctor Diafoirus, a physician from Molière's play Le malade Wellcome V0016112Parmi les mots qu’affectionnent les soignants, il en est qui blessent les diabétiques de type 1.

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Certains mots blessent parce qu’ils opèrent une disqualification de notre ressenti et de notre expérience de la maladie. Ainsi du couple infernal « déni » / « acceptation » et des « bénéfices secondaires ».

Ces notions plus ou moins scientifiques, initialement empruntées à la psychologie mais depuis cent fois détournées, finissent par légitimer des dialogues de sourds de ce type :
– LE PATIENT – Docteur, je me sens épuisé et je ne m’en sors pas. J’ai besoin d’aide et j’ai peur de perdre mon travail : je souhaiterais déposer une demande de Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé.
– LE MEDECIN – Vos difficultés viennent de ce que vous êtes dans le déni. Lorsque vous aurez accepté votre diabète, vous verrez que cela n’est pas si difficile : ça se soigne très bien maintenant, vous avez tous les outils pour y arriver ; c’est une question de motivation. Je ne signerai pas votre papier : vous devez vivre normalement, le diabète n’est pas un handicap ; arrêtez d’essayer de profiter du système en recherchant des bénéfices secondaires.

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2016 - Diabète et Méchant